#ExilsIntraMuros

L’exhibition de nos stigmates, telle pourrait être le principe même du travail photographique de Marc Melki. Une suite de diptyques confrontent l’image réelle de l’exclusion à une séance fictionnelle. Cependant, le faux ne s’oppose pas au vrai. S’il recourt à la mise en scène, le photographe s’y résout contraint. Le réel ne suffit plus, le document ayant failli, peu importe les causes, on se méfie des images. Pour des raisons multiples, leur provenance, leur véracité et ce trop plein permanent frappent le document de nullité. La photographie traditionnelle se trouve désormais sans effet sur un corps social devenu apathique, insensible à la misère du monde. La désocialisation en s’exposant crûment dans la modernité urbaine suscite un malaise difficilement exprimable. On se refuse à affronter l’image de corps devenus par là-même invisibles. La violence des images imposée par l’ordre social va au-delà de ce qui est supportable ! A défaut de remettre en cause l’ordre du monde, on se refuse à pénétrer dans les ténèbres. On considère d’autant moins le document qu’il affiche une morbidité banale. Qu’apportent-t-elles ces photographies annonciatrices de la catastrophe ? Rien d’extraordinaire, si ce n’est les conséquences de la domination sociale ! « La joie du riche a pour substance la douleur du pauvre » disait Léon Bloy. A voir, et à comprendre, c’est tout l’édifice social qu’il faudrait démanteler. Un état des lieux insupportable pour ceux qui anticipent la menace qui pèse sur le plus grand nombre.
Il n’y a pas de clochard heureux... Octave Mirbeau dans « Un gentilhomme » décrit dans les années vingt la permanence d’une vision insensible parce qu’implacable : « Des gens, des couples, des groupes allaient et venaient, me frôlaient. Aucun ne faisait attention à moi... C’est effrayant... un être allait peut- être, dans une seconde, s’abattre la face dans la boue... Et pas une parole, pas un regard de pitié, pas un secours, pas une curiosité même ». Là, au niveau du sol, au plus bas, les laissés pour compte inspirent la terreur. Sans toit, sans travail régulier, les sans normes, forment la cohorte invisible des sacrifiés, cette part maudite qu’il faut accepter comme une loi d’airain des sociétés, une loi « naturelle ».
Il fut un temps où l’image de la souffrance contribuait plus qu’à la simple histoire des représentations. Au
panthéon des photographes séjournent désormais Lewis Hine, Jacob Riis, les femmes et les hommes de la
FSA qui n’ont jamais détourné leur regard. Ces temps sont révolus. Mais pour Marc Melki, être photographe c’est encore vouloir participer au fonctionnement du monde. Le principe de cette pratique, ce que l’on peut définir comme une tactique, repose sur l’inscription d’une image positive, la figure d’une personnalité, sur un moment jugé négatif.
Le jeu de rôle auquel se prête des célébrités a pour but de nous relier avec le corps abandonné. La fiction nous conduit à percevoir au-delà de l’apparence spectaculaire un corps identique doté de la même fragilité. Projeté à même le sol, transi, au contact des miasmes urbains, le corps vulnérable porte les traces de l’exclusion. Marc Melki, dans un méchant conte de fées, met à nu la société du spectacle quand la fiction rend tangible l’ instabilité du monde. La misère rend anonyme. Les couleurs détrempées rejettent toute velléité esthétisante. Ceux qui acceptent de participer à l’entreprise sisyphienne acceptent l’ effacement.
Peu importe la durée de la prise de vue. Les textes accompagnant l’expérience physique et psychologique explicitent la crudité de la séance. Rats, cafards, odeurs nauséabondes, que les quelques couvertures
posées à même le sol ne sauraient protéger, sont les accessoires d’un studio réaliste. A la rencontre du réel, nul maquillage ne résiste. On est moche. Tout simplement. La pitié n’a plus sa place ici. Ce comportement si candidement énoncé par Adolphe Thiers, le tueur de Communards : « Le malheureux que nous rencontrons par notre chemin, qui touche notre coeur, dont la vue nous arrache un sacrifice, n’a cependant pas le droit de nous forcer à le secourir. Ce malheureux est un objet sacré, dans les ingénieuses paraboles du christianisme, c’est peut-être un ange qui s’
est caché sous la forme d’un malheureux pour mettre nos vertus à l’épreuve, mais s’il voulait nous contraindre à venir à son secours, nous extorquer ce que nous sommes portés à lui donner, ce ne serait plus un être sacré, ce serait un malfaiteur ».
La photographie enregistre la bascule vers la négativité, elle se fond dans la peau du loqueteux, du traîne-besace.
C’est en cela que la série est paradoxale. Au hasard des rencontres, un ensemble incohérent s ’unifie parce que dissout ! La réalité constituée par Marc Melki est un déséquilibre permanent, une photographie ordonnée autour de ce qui se défait. Ce qui ne veut pas dire que l’image soit sans direction. Il faut attirer le regard vers le bas, imprimer un sens au regard du spectateur. L’image est écrasante et sa force de gravité tire l’ensemble vers les enfers. On ne trouve nulle trace de transcendance, et encore moins de régénération christique.
En peu de temps, le photographe défait le monde des apparences. Il fracture la confiance indéfectible que l’on peut avoir dans sa propre destinée. Sans bien sûr être assuré de l’efficacité de ses images, Marc Melki construit une réalité qui s’assombrit dans l’espace d’un Abribus. Photographe d’une réalité qui est l’irréalité même, il configure le chaos. Il rend visible ce dernier par la matière photographique qui agit et modifie. Ilmet en scène l’absence d’ordre dans le but d’imbriquer violence et souffrance brutes. L’image sans structure prédéfinie est sans qualité aucune.
Deux images se suivent et se contaminent. Les rapports qui constituent l’ensemble indissociable désignent une réalité mouvante, une potentialité. La surface des êtres se retire, provisoirement certes, mais se retire au profit de la profondeur de l’existence. Dans l’interstice des deux images, un enchaînement nécessaire conduit à l’inéluctable métamorphose. Si la sociologie rend compte des lois statistiques, elle reste insuffisante à témoigner des discontinuités. Les portraits de personnalités déchues certifient l’indicible. Lecaractère amoral et violent de la réalité surgit au détour d’une rue. Le vide est le sujet. Il ne se remplit désormais que de la conscience du spectateur. Cette photographie est alors ambivalente. Elle ne s’appuie pas sur la bonté supposée du spectateur, elle ne surestime pas, non plus, la bienveillance. Elle n’a qu’une condition, la négation des certitudes et la destruction du bon goût afin de s’attaquer frontalement, appareil à la main, à la réalité en la façonnant.
François Cheval, Chalon-sur-Saône, le 15/03/2020

MERCI À AGLAE BORY, AGNES BIHL, ALEX VIZOREK, ALISON WHEELER, AMELIE NOTHOMB, ANNA MOUGLALIS, ANNE CITRON, ANOUSCHKA DESSEILLES, ANTOINE LY, ARESKI BELKACEM, ARANAUD GALLAIS, AUDREY PULVAR, AURÉLIE EL HASSAK MARZORATI, AXEL LATTUADA, AYA CISSOKO, BARTABAS, BERTRAND BELIN, BEVINDA, BRUNO MAMAN, BRUNO SOLO, CALI, CAMILLE MORAVIA, CARINE PETIT, CARLA BIANCHI, CAROLE BIANIC, CAROLE ZALBERG, CAROLINE DUCEY, CEDRIC HERROU, CEDRIC VILLANI, CELHIA DE LAVARENE, CELINE CURIOL, CHRISTIAN OLIVIER, CHRISTOPHE LOUIS, COLOMBE SCHNECK, DELPHINE BINARD, DIDIER BEZACE, DOMINIQUE GOBLET, DOMINIQUE SOPO, ELIETTE ABECASSIS, ELINA DUMONT, EMANUEL BOVET, EMELENE LANDON, ERIC PLIEZ, FLORENCE LOIRET CAILLE, FRANÇOIS CHEVAL, FRANÇOIS MOREL, FRANÇOISE KELLER, FRANÇOIZ BREUT, FRED ROLLAT, GARANCE CLAVEL, GENEVIÈVE GARRIGOS, GILBERT MELKI, GUILLAUME HOLSZTEIN, GUILLAUME MEURICE, GUSTAVE KERVERN, Halima MENHOUDJ, HELENE FILLIERES, HOUDA BENYAMINA, IMBERT IMBERT, JACQUES GAILLOT, JANE EVELYN ATWOOD, JASMINE VEGAS, JEAN FAUQUE, JEROME GIUSTI, JÉROME KARSENTI, JEAN-MICHEL RIBES, JOHN PAUL LEPERS, JONATHAN ZACCAÏ JULIE SAURET, JULIETTE MEADEL, KAÏ PFEIFFER, LAMINE HASNI, LAURENCE CÔTE, LAURENT D'URSEL, LAURENT GAUDÉ, LEILA KADDOUR BOUDADI, LIZZY LING, LOUIS DE GOUYON MATIGNON, LUC CHOQUER, LUCIEN BOUCHARA, LYDIE MELKI, MAGYD CHERFI, MALIK DJOUIDI, MARIE DESPLECHIN, MARIE PAYEN, MARIE-LAURE FAGES, MARJANE SATRAPI, MARTINE VOYEUX, MATHILDE SERREL, MICHEL MELKI, MOURAD MUSSET, NATACHA REGNIER, NOUR DURAND-RAUCHER, OLIVIER CULMANN, PAELLA,PAUL BÉHERGÉ, PHILIPPE POUTOU, PIERRE ARDITI, PIERRE GROSZ, RAPHAEL GLUCKSMANN, RAYMOND GUREME, REBECCA MANZONI, RIDAN, ROBI, ROBIN RENUCCI, SAMIR GUESMI, SANDRINE ROUDEIX, SANSEVERINO, SARA GIRAUDEAU, SEBASTIEN NADOT, SERGE TEYSSOT GAY, SOPHIE ANDIRANSEN, SOPHIE FILLIÈRES, STÉPHANIE HOCHET, SYLVIE GRACIA, Thierry Janssen, THOMAS GUÉNOLÉ, TIERI BRIET, Tina KIEFFER, VALÉRIE OSOUF, VALÉRIE PEUGEOT, VALÉRIE RODRIGUE, WALLACE ETYOUMI, YAN MORVAN, YANNICK JADOT, YOLANDE MOREAU, YVAN LE BOLLOC’H...
AMELIE NOTHOMB De 2010 à 2017, j’ai connu un sans logis qui, s’il n’avait pas de domicile, était pourtant fixe : il ne quittait pas la bouche de métro de ma rue parisienne. La chaleur qui en émanait lui permettait de survivre.
Il s’agissait d’un homme d’un âge indéterminable et d’une classe folle. Ce prince du trottoir était toujours joyeux, poli et aimable. Si on lui donnait autre chose qu’une cigarette, il refusait avec hauteur.
Il parlait un curieux sabir, mixte de plusieurs langues européennes à consonances latines. Pour cette raison, je le baptisai intimement Penitenziagite, d’après l’éructation récurrente d’un personnage du Nom de la Rose atteint de la même particularité.
Chaque fois que nous nous croisions, nous nous saluions cérémonieusement. Quand il avait bu, Penitenziagite m’adressait des harangues allègres dans son langage. Comme je regrettais de ne pas comprendre ! Cela semblait très intéressant.
Régulièrement, Penitenziagite disparaissait plusieurs semaines d’affilée. Quand les services sociaux le relâchaient, il venait s’assoir à nouveau sur sa bouche de métro. On l’avait tondu, cela le rajeunissait et lui enlevait sa superbe. Mais ses cheveux et sa barbe repoussaient et il ne tardait à reprendre son allure régalienne.
Jamais je n’ai vu Penitenziagite autrement que souriant avec la joie profonde d’un homme heureux de son sort. Il donnait l’impression d’avoir choisi cette vie et de ne pas en vouloir une autre. Etait-ce le cas ? Je ne sais pas.
Le 27 septembre 2017, comme chaque matin, en partant au travail à l’aube, j’ai croisé Penitenziagite. Il m’a dit bonjour avec sa courtoisie coutumière. L’après-midi, en rentrant chez moi, j’ai vu sa bouche de métro sans lui et recouverte de roses blanches. Je n’ai pas compris.
Le lendemain, un écriteau avait été posé à sa place : « Paolo a été retrouvé mort ici, hier, à 11h du matin. » Par la même occasion, j’ai appris son vrai nom. J’ai interrogé les gens du quartier. On l’avait retrouvé mort dans son sommeil, sans cause particulière. J’ai pensé que j’avais été l’une des dernières personnes à lui parler. Cela m’a bouleversée.
Depuis, chaque jour, quand je passe devant sa bouche de métro, je pense à Paolo-Penitenziagite. Sa bienveillance princière me marque profondément. De lui, je ne sais rien, sinon qu’il était un homme libre.

Amélie Nothomb pour #ExilsIntraMuros, le 24 janvier 2018 à #Paris.
AMELIE NOTHOMB

De 2010 à 2017, j’ai connu un sans logis qui, s’il n’avait pas de domicile, était pourtant fixe : il ne quittait pas la bouche de métro de ma rue parisienne. La chaleur qui en émanait lui permettait de survivre.
Il s’agissait d’un homme d’un âge indéterminable et d’une classe folle. Ce prince du trottoir était toujours joyeux, poli et aimable. Si on lui donnait autre chose qu’une cigarette, il refusait avec hauteur.
Il parlait un curieux sabir, mixte de plusieurs langues européennes à consonances latines. Pour cette raison, je le baptisai intimement Penitenziagite, d’après l’éructation récurrente d’un personnage du Nom de la Rose atteint de la même particularité.
Chaque fois que nous nous croisions, nous nous saluions cérémonieusement. Quand il avait bu, Penitenziagite m’adressait des harangues allègres dans son langage. Comme je regrettais de ne pas comprendre ! Cela semblait très intéressant.
Régulièrement, Penitenziagite disparaissait plusieurs semaines d’affilée. Quand les services sociaux le relâchaient, il venait s’assoir à nouveau sur sa bouche de métro. On l’avait tondu, cela le rajeunissait et lui enlevait sa superbe. Mais ses cheveux et sa barbe repoussaient et il ne tardait à reprendre son allure régalienne.
Jamais je n’ai vu Penitenziagite autrement que souriant avec la joie profonde d’un homme heureux de son sort. Il donnait l’impression d’avoir choisi cette vie et de ne pas en vouloir une autre. Etait-ce le cas ? Je ne sais pas.
Le 27 septembre 2017, comme chaque matin, en partant au travail à l’aube, j’ai croisé Penitenziagite. Il m’a dit bonjour avec sa courtoisie coutumière. L’après-midi, en rentrant chez moi, j’ai vu sa bouche de métro sans lui et recouverte de roses blanches. Je n’ai pas compris.
Le lendemain, un écriteau avait été posé à sa place : « Paolo a été retrouvé mort ici, hier, à 11h du matin. » Par la même occasion, j’ai appris son vrai nom. J’ai interrogé les gens du quartier. On l’avait retrouvé mort dans son sommeil, sans cause particulière. J’ai pensé que j’avais été l’une des dernières personnes à lui parler. Cela m’a bouleversée.
Depuis, chaque jour, quand je passe devant sa bouche de métro, je pense à Paolo-Penitenziagite. Sa bienveillance princière me marque profondément. De lui, je ne sais rien, sinon qu’il était un homme libre.

Amélie Nothomb pour #ExilsIntraMuros, le 24 janvier 2018 à #Paris.

SEBASTIEN NADOT « J’ai bu toute ma honte et bien plus.
Si seulement dans le silence du soir, au moins, les gens s’entendaient.
Le noir aveugle, le froid solitaire, je suis là par terre. Rien d’autre à faire. Le sol est dur. Attendre que la fatigue se vide. Comme ma tête déjà.
Je ne sais plus très bien quand ma vie a sombré. Mais elle a sombré. J’appartiens au monde néant. Je voudrais que tout mon corps à son tour sombre du plus lourd des sommeils. Mes jambes engourdies ont comme disparu. Une désagréable énergie électrise encore un peu mon crâne. Elle maintient mon alerte, empêche mon repos, me rappelle aux douleurs. Je tousse, éternue, mes yeux s’ouvrent. Mon regard de trottoir intercepte celui vide d’un passant. Il n’y a que les enfants pour me voir encore vivant. M’endormir. » 
Sébastien NADOT à Paris le 1er décembre 2021 pour #ExilsIntraMuros
SEBASTIEN NADOT

« J’ai bu toute ma honte et bien plus.
Si seulement dans le silence du soir, au moins, les gens s’entendaient.
Le noir aveugle, le froid solitaire, je suis là par terre. Rien d’autre à faire. Le sol est dur. Attendre que la fatigue se vide. Comme ma tête déjà.
Je ne sais plus très bien quand ma vie a sombré. Mais elle a sombré. J’appartiens au monde néant. Je voudrais que tout mon corps à son tour sombre du plus lourd des sommeils. Mes jambes engourdies ont comme disparu. Une désagréable énergie électrise encore un peu mon crâne. Elle maintient mon alerte, empêche mon repos, me rappelle aux douleurs. Je tousse, éternue, mes yeux s’ouvrent. Mon regard de trottoir intercepte celui vide d’un passant. Il n’y a que les enfants pour me voir encore vivant. M’endormir. »
Sébastien NADOT à Paris le 1er décembre 2021 pour #ExilsIntraMuros

ANNA MOUGLALIS « Quand on n’est plus regardé, on n’existe plus…

Tous ces gens qui sont à la rue et que les regards évitent, c’est déjà une façon de les tuer. » Anna Mouglalis, actrice, à Paris le 24 juin 2019
ANNA MOUGLALIS

« Quand on n’est plus regardé, on n’existe plus…

Tous ces gens qui sont à la rue et que les regards évitent, c’est déjà une façon de les tuer. » Anna Mouglalis, actrice, à Paris le 24 juin 2019

Gustave KERVERN « Les passants qui sont cor émus
s’en vont chacun à leu’ z’affaires ;
tout à l’heure y n’y pensaient guère,
à l’estant y n’y pens’ront pus.

Adieu mon p’tit, pars... pour la Morgue.
Tout l’ mond’ peut pas, évidemment,
s’ procurer pour son enterr’ment
les griftons, la grand Messe et l’orgue.

Mais si des fois tu vas aux Cieux
et qu’ tu t’y but’s dans l’ Fils de Dieu, 
au nom de nos maigres remords
n’y racont’ pas comment qu’ t’es mort.

N’y dis pas : « J’arriv’ de Paris
moi Seigneur, qu’étais votre Image !
Voilà comme on vous rend hommage,
regardez mes boïaux pourris !

Le turbin a pris ma jeunesse
ma santé, ma joie, mes désirs ;
et vioque on m’a laissé moisir,
seul et nu devant la Richesse.

Et quand à ces gas économes
j’ai d’mandé un peu d’ pain ou d’ pèze ;
Y m’ont cité les “Droits de l’Homme”
et m’ont chanté “La Marseillaise”. »
Jehan Rictus – Extrait de la « berceuse du pas-de-chance » – 1920

1920 ? Merde ! On pourra pas dire que c’était de la faute à Anne Hidalgo ! 
A relire « les soliloques du pauvre » de Jehan Rictus …. Indémodable.
Gustave KERVERN 

A Paris pour #ExilsIntraMuros le 6 avril 2019, 9h37, 7°.
Gustave KERVERN

« Les passants qui sont cor émus
s’en vont chacun à leu’ z’affaires ;
tout à l’heure y n’y pensaient guère,
à l’estant y n’y pens’ront pus.

Adieu mon p’tit, pars... pour la Morgue.
Tout l’ mond’ peut pas, évidemment,
s’ procurer pour son enterr’ment
les griftons, la grand Messe et l’orgue.

Mais si des fois tu vas aux Cieux
et qu’ tu t’y but’s dans l’ Fils de Dieu,
au nom de nos maigres remords
n’y racont’ pas comment qu’ t’es mort.

N’y dis pas : « J’arriv’ de Paris
moi Seigneur, qu’étais votre Image !
Voilà comme on vous rend hommage,
regardez mes boïaux pourris !

Le turbin a pris ma jeunesse
ma santé, ma joie, mes désirs ;
et vioque on m’a laissé moisir,
seul et nu devant la Richesse.

Et quand à ces gas économes
j’ai d’mandé un peu d’ pain ou d’ pèze ;
Y m’ont cité les “Droits de l’Homme”
et m’ont chanté “La Marseillaise”. »
Jehan Rictus – Extrait de la « berceuse du pas-de-chance » – 1920

1920 ? Merde ! On pourra pas dire que c’était de la faute à Anne Hidalgo !
A relire « les soliloques du pauvre » de Jehan Rictus …. Indémodable.
Gustave KERVERN

A Paris pour #ExilsIntraMuros le 6 avril 2019, 9h37, 7°.


ALEX VIZOREK Quand un enfant pose la question à un adulte : « A quoi ça sert les impôts? ». 
L’adulte a tendance à lui répondre: « Et bien c’est pour qu’on soit solidaire les uns avec les autres, par exemple, pour que personne ne dorme dans la rue ». 
Et l’enfant de répondre: « Ah oui…pourtant, y a plein de gens qui dorment dans la rue ! ».
L’enfant a raison. 
L’adulte est coincé et même un peu gêné et se tait.
Alors, essayons de prouver aux enfants qu’on se comporte en adulte. 
Et ne nous laissons plus clouer le bec par ces petits morveux a qui nos incohérences n’échappent pas ! »

Alex Vizorek
Photographié à Paris le 29 octobre 2021
ALEX VIZOREK

Quand un enfant pose la question à un adulte : « A quoi ça sert les impôts? ».
L’adulte a tendance à lui répondre: « Et bien c’est pour qu’on soit solidaire les uns avec les autres, par exemple, pour que personne ne dorme dans la rue ».
Et l’enfant de répondre: « Ah oui…pourtant, y a plein de gens qui dorment dans la rue ! ».
L’enfant a raison.
L’adulte est coincé et même un peu gêné et se tait.
Alors, essayons de prouver aux enfants qu’on se comporte en adulte.
Et ne nous laissons plus clouer le bec par ces petits morveux a qui nos incohérences n’échappent pas ! »

Alex Vizorek
Photographié à Paris le 29 octobre 2021

TINA KIEFFER La première fois que j’ai vu la campagne «  Et si c était vous?  », j’ai eu une réaction partagée. Quel sens pouvait avoir une telle mise en situation, la personnalité ne tenant ce rôle que le temps d’une photo, avant de repartir à ses pénates et à son confort ? En même temps, ce simple questionnement me faisait déjà réfléchir, et comprendre que l’enjeu n’est pas là. Peu importe ce que ne ressent pas l’ «acteur », c’est notre regard posé sur ces photos qui est interpelé. Découvrir un visage connu posé sur une vieille couverture à même le froid du macadam, fait forcément un choc. Si c’est Arditi, si c’est Nothomb, cela pourrait tout aussi bien être moi, et le visage, parce qu’il est identifié, ré-humanisé, nous rappelle l’insensé de la situation : comment un être humain peut-il ainsi être abandonné au froid, à la solitude et au dénuement le plus extrême ? Il nous dit aussi que la déchéance nous guette tous,  sans exception, que l’on soit connu ou anonyme. Le jour du shooting, j’ai réalisé enfin que la mise en scène, même si elle relevait du factice, n’était pas si indolore que ça. Les regards des passants posés sur soi, et qui ne captent pas forcément le photographe posté plus loin, font assez mal. Ce malaise, cette indifférence, cette indignation,  ce dégoût même que l’on inspire, donne presque la sensation d être piétiné par des gens pressés, et de ne plus exister vraiment. En quelques minutes, on perçoit aussi la violence des bruits urbains, le fracas du train qui passe au dessus du tunnel, la dureté du sol, la froidure dans l’air, tout semble amplifié et nous menacer. On comprend alors que glisser dans ce monde où l’on devient invisible ou dérangeant aux yeux des autres entraîne une telle destruction de l’identité qu’il doit être bien difficile de se retrouver soi même…


Tina KIEFFER 
Photographiée à Saint-Cloud le 22 octobre 2021
TINA KIEFFER

La première fois que j’ai vu la campagne «  Et si c était vous?  », j’ai eu une réaction partagée. Quel sens pouvait avoir une telle mise en situation, la personnalité ne tenant ce rôle que le temps d’une photo, avant de repartir à ses pénates et à son confort ? En même temps, ce simple questionnement me faisait déjà réfléchir, et comprendre que l’enjeu n’est pas là. Peu importe ce que ne ressent pas l’ «acteur », c’est notre regard posé sur ces photos qui est interpelé. Découvrir un visage connu posé sur une vieille couverture à même le froid du macadam, fait forcément un choc. Si c’est Arditi, si c’est Nothomb, cela pourrait tout aussi bien être moi, et le visage, parce qu’il est identifié, ré-humanisé, nous rappelle l’insensé de la situation : comment un être humain peut-il ainsi être abandonné au froid, à la solitude et au dénuement le plus extrême ? Il nous dit aussi que la déchéance nous guette tous,  sans exception, que l’on soit connu ou anonyme. Le jour du shooting, j’ai réalisé enfin que la mise en scène, même si elle relevait du factice, n’était pas si indolore que ça. Les regards des passants posés sur soi, et qui ne captent pas forcément le photographe posté plus loin, font assez mal. Ce malaise, cette indifférence, cette indignation,  ce dégoût même que l’on inspire, donne presque la sensation d être piétiné par des gens pressés, et de ne plus exister vraiment. En quelques minutes, on perçoit aussi la violence des bruits urbains, le fracas du train qui passe au dessus du tunnel, la dureté du sol, la froidure dans l’air, tout semble amplifié et nous menacer. On comprend alors que glisser dans ce monde où l’on devient invisible ou dérangeant aux yeux des autres entraîne une telle destruction de l’identité qu’il doit être bien difficile de se retrouver soi même…


Tina KIEFFER
Photographiée à Saint-Cloud le 22 octobre 2021

Halima MENHOUDJ "20 minutes allongée sur le sol, à te poser la question, et si c'était toi, nous ? 
L’angoisse t’envahit, le froid fouette mon visage, et je sens monter les odeurs d'urine. Tu ressens de la peur, la peur d'être seule, sans rien, ni personne pour toi. 
La peur de finir exclue de tout, de la société.
Les passants te regardent de manière furtive...Tu comprends que tu n'es rien, tu n'existes pas.
Je ferme les yeux pendant quelques minutes pour penser à toutes ces personnes, comment pouvons-nous être aussi égoïstes, aussi fuyants ? 
A cet instant, vous vous dites que c'est un échec collectif -  qu'il faut dévoiler, dénoncer l’extrême pauvreté, qu'il faut un sursaut, un électrochoc et pourquoi pas au travers de cette « action photographique, collective et solidaire pour que la lutte contre la misère apparaisse enfin comme une priorité, comme UNE GRANDE CAUSE NATIONALE ! »
Rejoignez-nous, plaidons collectivement pour  un hébergement digne et inconditionnel pour TOUTES ET TOUS, pour un accueil digne et bienveillant des exilé_es."

Halima MENHOUDJ pour #ExilsIntraMuros le 17 décembre à Montreuil.
Halima MENHOUDJ

"20 minutes allongée sur le sol, à te poser la question, et si c'était toi, nous ?
L’angoisse t’envahit, le froid fouette mon visage, et je sens monter les odeurs d'urine. Tu ressens de la peur, la peur d'être seule, sans rien, ni personne pour toi.
La peur de finir exclue de tout, de la société.
Les passants te regardent de manière furtive...Tu comprends que tu n'es rien, tu n'existes pas.
Je ferme les yeux pendant quelques minutes pour penser à toutes ces personnes, comment pouvons-nous être aussi égoïstes, aussi fuyants ?
A cet instant, vous vous dites que c'est un échec collectif -  qu'il faut dévoiler, dénoncer l’extrême pauvreté, qu'il faut un sursaut, un électrochoc et pourquoi pas au travers de cette « action photographique, collective et solidaire pour que la lutte contre la misère apparaisse enfin comme une priorité, comme UNE GRANDE CAUSE NATIONALE ! »
Rejoignez-nous, plaidons collectivement pour  un hébergement digne et inconditionnel pour TOUTES ET TOUS, pour un accueil digne et bienveillant des exilé_es."

Halima MENHOUDJ pour #ExilsIntraMuros le 17 décembre à Montreuil.

JANE EVELYN ATWOOD ‟Et Si C'était Vous ? 

En 1996, à la demande de l’association Les Petits Frères des Pauvres, j’ai effectué un projet sur la pauvreté, et plus précisément, sur les SDF à Paris. 

C'est le travail le plus éprouvant que j'ai jamais fait. 

Le paragraphe en dessous est un extrait du texte que j'ai écrit à l'époque.  

Je sais aujourd’hui, après ce travail, que le terme de SDF n’a pas de sens.  Ces gens ont toutes sortes de domiciles : des squats, des foyers, des caves complètement aménagées, des camping au bord de la Seine, des cartons sur les bouches de métro ou sous les ponts et dans les portes cochères, dans les tunnels souterrains. Partout à Paris il y a des gens pauvres qui vivent comme des gens des pays du Tiers-Monde, se disputant des territoires qui appartiennent à celui qui y arrive en premier.  Ce n’est pas seulement le manque de logement, ou de travail. C’est une pauvreté d’esprit. Et pour changer cet état d’esprit là, il faut que les autres changent leur mentalité.

Aujourd'hui, 23 ans plus tard, les choses n’ont fait qu'empirer.

Que faut-il faire pour changer cette pauvreté d'esprit ? Que peut-on faire pour changer une mentalité qui autorise que des êtres humains dorment dans la rue dans un pays riche qu’est la France et dans la ville lumière qu’est Paris?


Jane Evelyn Atwood
Octobre, 2019‟


UN IMMENSE MERCI À JANE EVELYN ATWOOD !
Elle pose pour #ExilsIntraMuros et pose ses mots.

A Paris le 24 octobre 2019
JANE EVELYN ATWOOD

‟Et Si C'était Vous ?

En 1996, à la demande de l’association Les Petits Frères des Pauvres, j’ai effectué un projet sur la pauvreté, et plus précisément, sur les SDF à Paris.

C'est le travail le plus éprouvant que j'ai jamais fait.

Le paragraphe en dessous est un extrait du texte que j'ai écrit à l'époque.

Je sais aujourd’hui, après ce travail, que le terme de SDF n’a pas de sens. Ces gens ont toutes sortes de domiciles : des squats, des foyers, des caves complètement aménagées, des camping au bord de la Seine, des cartons sur les bouches de métro ou sous les ponts et dans les portes cochères, dans les tunnels souterrains. Partout à Paris il y a des gens pauvres qui vivent comme des gens des pays du Tiers-Monde, se disputant des territoires qui appartiennent à celui qui y arrive en premier. Ce n’est pas seulement le manque de logement, ou de travail. C’est une pauvreté d’esprit. Et pour changer cet état d’esprit là, il faut que les autres changent leur mentalité.

Aujourd'hui, 23 ans plus tard, les choses n’ont fait qu'empirer.

Que faut-il faire pour changer cette pauvreté d'esprit ? Que peut-on faire pour changer une mentalité qui autorise que des êtres humains dorment dans la rue dans un pays riche qu’est la France et dans la ville lumière qu’est Paris?


Jane Evelyn Atwood
Octobre, 2019‟


UN IMMENSE MERCI À JANE EVELYN ATWOOD !
Elle pose pour #ExilsIntraMuros et pose ses mots.

A Paris le 24 octobre 2019

AXEL LATTUADA ‟Notre monde est stupéfiant et mal barré : ça nous fait saigner du nez. Et si on arrêtait de s'en foutre ?‟ 

A Paris pour #ExilsIntraMuros le 30 janvier 2020
AXEL LATTUADA

‟Notre monde est stupéfiant et mal barré : ça nous fait saigner du nez. Et si on arrêtait de s'en foutre ?‟

A Paris pour #ExilsIntraMuros le 30 janvier 2020

AUDREY PULVAR, FEMME POLITIQUE ‟Petit matin frisquet, brouhaha habituel de l’heure de pointe, pas perdus, sonneries de téléphones, circulation dense... bouche de métro, le claquement régulier de dizaines de paires de chaussures montant et descendant... bousculade bonne enfant. Ce matin n’est pas comme les autres. À même le sol, ou presque, petit tas tombé, logée entre deux mauvaises couvertures, séparée  du ciment du trottoir par un mince carton. Soudaine situation de vulnérabilité maximale. Rien n’est plus pareil. Chaque son banal devient menace probable... Un pas approche. S’il était hostile ? Cette sensation de vide dans le dos. Ce sentiment de ne plus exister aux yeux des autres. Comment s’abandonner au sommeil et à sa perte de contrôle ? Dormir sur le qui-vive ? Comment penser à demain quand aujourd’hui serait déjà une guerre de chaque instant, pour survivre intègre ? Les pas s’éloignent, la rumeur de la rue enfle, s’apaise. Fin du shooting. Sortir des couvertures, plier le carton, s’épousseter les genoux. Pas plus difficile que ça. Pour moi. Mais pour toutes celles et ceux qui n’ont pas le choix ? Près de 150 000 personnes vivent sans abri en France.‟ Audrey PULVAR 

Elle pose pour #ExilsIntraMuros 
A Paris le 24 juin 2019
AUDREY PULVAR, FEMME POLITIQUE

‟Petit matin frisquet, brouhaha habituel de l’heure de pointe, pas perdus, sonneries de téléphones, circulation dense... bouche de métro, le claquement régulier de dizaines de paires de chaussures montant et descendant... bousculade bonne enfant. Ce matin n’est pas comme les autres. À même le sol, ou presque, petit tas tombé, logée entre deux mauvaises couvertures, séparée du ciment du trottoir par un mince carton. Soudaine situation de vulnérabilité maximale. Rien n’est plus pareil. Chaque son banal devient menace probable... Un pas approche. S’il était hostile ? Cette sensation de vide dans le dos. Ce sentiment de ne plus exister aux yeux des autres. Comment s’abandonner au sommeil et à sa perte de contrôle ? Dormir sur le qui-vive ? Comment penser à demain quand aujourd’hui serait déjà une guerre de chaque instant, pour survivre intègre ? Les pas s’éloignent, la rumeur de la rue enfle, s’apaise. Fin du shooting. Sortir des couvertures, plier le carton, s’épousseter les genoux. Pas plus difficile que ça. Pour moi. Mais pour toutes celles et ceux qui n’ont pas le choix ? Près de 150 000 personnes vivent sans abri en France.‟ Audrey PULVAR

Elle pose pour #ExilsIntraMuros
A Paris le 24 juin 2019

THIERRY JANSSEN Étrange mélange de sentiments éprouvé en me couchant sur le sol, emmitouflé dans un duvet de fortune, au contact d’une mince épaisseur de carton. Sentiment d’indécence de ma part car comment pourrais-je ressentir ce qu’une personne sans-abri peut ressentir, moi qui dors tous les soirs dans un lit confortable? Sentiment de gratitude lorsqu’un policier s’est approché pour demander à Marc, l'homme à l’origine de ce projet, de ne pas prendre en photo une personne qui dort sur le trottoir. Sentiment d’espoir aussi, espoir que cette mise en scène puisse éveiller les consciences. Sentiment de compassion, enfin et surtout. Car qui peut être assuré que jamais il ne se retrouvera dans cette situation précaire pour de vrai? Et puis une gêne accompagnée de tristesse lorsqu'une question a surgi en moi, confrontante mais essentielle: suis-je réellement solidaire? Fraternité, solidarité, impression d’impuissance, honte, tristesse, colère. Tout au bout, je me suis senti tout petit et très démuni. 

Thierry Janssen médecin et psychothérapeute,  photographié à Bruxelles le 20 février 2021.
#Exils Intra-Muros
THIERRY JANSSEN

Étrange mélange de sentiments éprouvé en me couchant sur le sol, emmitouflé dans un duvet de fortune, au contact d’une mince épaisseur de carton. Sentiment d’indécence de ma part car comment pourrais-je ressentir ce qu’une personne sans-abri peut ressentir, moi qui dors tous les soirs dans un lit confortable? Sentiment de gratitude lorsqu’un policier s’est approché pour demander à Marc, l'homme à l’origine de ce projet, de ne pas prendre en photo une personne qui dort sur le trottoir. Sentiment d’espoir aussi, espoir que cette mise en scène puisse éveiller les consciences. Sentiment de compassion, enfin et surtout. Car qui peut être assuré que jamais il ne se retrouvera dans cette situation précaire pour de vrai? Et puis une gêne accompagnée de tristesse lorsqu'une question a surgi en moi, confrontante mais essentielle: suis-je réellement solidaire? Fraternité, solidarité, impression d’impuissance, honte, tristesse, colère. Tout au bout, je me suis senti tout petit et très démuni.

Thierry Janssen médecin et psychothérapeute, photographié à Bruxelles le 20 février 2021.
#Exils Intra-Muros


DELPHINE BINARD « S’allonger sur un carton, sous une couverture. Fermer les yeux. Entendre les bruits de la rue qui s’anime au petit matin. Ressentir la vibration continue du sol et la soufflerie de l’immeuble. Mesurer l’indifférence des passants. Nous avons l'ardente obligation de nous mobiliser pour permettre à tous ceux qui vivent dehors d'abandonner cartons et couvertures, d'accéder à un logement et de reprendre en douceur le cours du reste de leur vie. » Delphine Binard 

Delphine BINARD, directrice de la Fondation des Petits Frères des Pauvres,
pour #ExilsIntraMuros à Paris , le 18 juillet 2019.
DELPHINE BINARD

« S’allonger sur un carton, sous une couverture. Fermer les yeux. Entendre les bruits de la rue qui s’anime au petit matin. Ressentir la vibration continue du sol et la soufflerie de l’immeuble. Mesurer l’indifférence des passants. Nous avons l'ardente obligation de nous mobiliser pour permettre à tous ceux qui vivent dehors d'abandonner cartons et couvertures, d'accéder à un logement et de reprendre en douceur le cours du reste de leur vie. » Delphine Binard

Delphine BINARD, directrice de la Fondation des Petits Frères des Pauvres,
pour #ExilsIntraMuros à Paris , le 18 juillet 2019.

ELINA DUMONT  ‟Être sans-abri, c’est une nuit blanche tous les soirs dans la nuit noire, la peur au ventre …‟ Elina Dumont

Pour #ExilsIntraMuros à Paris le 11 octobre 2019
ELINA DUMONT

‟Être sans-abri, c’est une nuit blanche tous les soirs dans la nuit noire, la peur au ventre …‟ Elina Dumont

Pour #ExilsIntraMuros à Paris le 11 octobre 2019

MARIE DESPLECHIN «  Je ne l’ai pas vu venir du tout. Je pensais que ce serait facile, même. S’allonger par terre place Franz Listz, au milieu des passants, trois minutes sur le carton, le temps que Marc prenne sa photo, la couverture me protégerait. Je n’ai pas peur de grand chose, en général. Cinq minutes plus tôt, je hurlais sur le type du Monoprix qui refusait qu’on prenne la photo devant son auguste boutique, je criais, allez-y appellez la police, j’appelle la mairie, vous avez pas acheté la rue merde ! On voit son Monoprix en arrière-fond, sale nervi. Les gens nous regardaient bizarrement alors on s’est éloignés de quelques mètres, je me suis couchée près de l’entrée du parking et j’ai fermé les yeux. Et là, ça m’est tombé dessus. Le bruit des voitures, des passants, le mouvement qu’on devine, l’air autour de moi. La panique. J’ai tiré la couverture sur mon visage pour me protéger, rien n’y a fait. Mes yeux clignaient, je n’arrivais pas à les garder fermés. J’ai compté dans ma tête, pour faire passer plus vite les secondes. Personne ne peut supporter une telle vulnérabilité, personne ne peut supporter ça. Mais tout le monde devrait essayer, trois minutes, pour en faire l’expérience. J’ai compris pourquoi ceux qui dormaient à la rue avaient le visage ravagé, à la différence de nous autres, les bénévoles des trois minutes avec nos bonnes petites figures de faire semblant. Il faut se casser la tête, s’exploser, se ruiner et disparaître, pour s’exposer par terre, s’abandonner à l’incertitude du bruit, du ciel, des coups. On n’existe plus. On est presque mort. Je ne le savais pas, avant. Pas comme ça, pas vraiment. »  Marie DESPLECHIN 


Elle pose pour #ExilsIntraMuros et pose ses mots.
A Paris le 10 décembre 2019
MARIE DESPLECHIN

«  Je ne l’ai pas vu venir du tout. Je pensais que ce serait facile, même. S’allonger par terre place Franz Listz, au milieu des passants, trois minutes sur le carton, le temps que Marc prenne sa photo, la couverture me protégerait. Je n’ai pas peur de grand chose, en général. Cinq minutes plus tôt, je hurlais sur le type du Monoprix qui refusait qu’on prenne la photo devant son auguste boutique, je criais, allez-y appellez la police, j’appelle la mairie, vous avez pas acheté la rue merde ! On voit son Monoprix en arrière-fond, sale nervi. Les gens nous regardaient bizarrement alors on s’est éloignés de quelques mètres, je me suis couchée près de l’entrée du parking et j’ai fermé les yeux. Et là, ça m’est tombé dessus. Le bruit des voitures, des passants, le mouvement qu’on devine, l’air autour de moi. La panique. J’ai tiré la couverture sur mon visage pour me protéger, rien n’y a fait. Mes yeux clignaient, je n’arrivais pas à les garder fermés. J’ai compté dans ma tête, pour faire passer plus vite les secondes. Personne ne peut supporter une telle vulnérabilité, personne ne peut supporter ça. Mais tout le monde devrait essayer, trois minutes, pour en faire l’expérience. J’ai compris pourquoi ceux qui dormaient à la rue avaient le visage ravagé, à la différence de nous autres, les bénévoles des trois minutes avec nos bonnes petites figures de faire semblant. Il faut se casser la tête, s’exploser, se ruiner et disparaître, pour s’exposer par terre, s’abandonner à l’incertitude du bruit, du ciel, des coups. On n’existe plus. On est presque mort. Je ne le savais pas, avant. Pas comme ça, pas vraiment. » Marie DESPLECHIN


Elle pose pour #ExilsIntraMuros et pose ses mots.
A Paris le 10 décembre 2019


PHILIPPE POUTOU « Se retrouver à la rue, sans domicile, seul.e, exclu.e, pris.e dans un engrenage fou, on sait que c'est possible, ça arrive et ça peut arriver à n'importe qui, sauf peut-être à quelques milliardaires et quelques politiciens arrogants et sans aucun scrupule. Mais ce qui fait peur, ce qui frappe, c'est la banalisation de ces situations. Des gens dorment dans la rue, des gens meurent dans la rue toute l'année et pourtant cela ne fait pas tellement réagir. Comme si c'était accepté, toléré, comme si cela ne concernait pas toutes et tous. 
Pourtant tout le monde sait, tout le monde voit bien les gens dehors, sur un carton, sous une couverture, dans une tente. Mais trop de gens s'y résignent. C'est comme pour les fermetures d'usines, les licenciements, la précarité, le chômage, c'est comme si c'était inévitable, presque normal. C'est d'ailleurs souvent l'étape d'avant l'exclusion, la brisure et la rue. 
Tout cela n'est pas que triste ou dramatique. C'est dégueulasse, c'est révoltant car la société est riche de tout. Et il n'y a pas que des victimes dans cette histoire, il y a surtout des responsables, des exploiteurs, des pilleurs. Il y a une organisation sociale profondément injuste qui fabrique l'exclusion et la pauvreté. Donc en vrai, il n'y a aucune fatalité. Ce qui nous donne toutes les raisons de nous battre pour que ça change, pour réquisitionner les logements vides jusqu'à ce que plus personnes ne soient contraints à vivre dehors. »
Philippe POUTOU


Le 20 juillet 2019 à Paris, il pose pour #ExilsIntraMuros et pose ses mots.
PHILIPPE POUTOU

« Se retrouver à la rue, sans domicile, seul.e, exclu.e, pris.e dans un engrenage fou, on sait que c'est possible, ça arrive et ça peut arriver à n'importe qui, sauf peut-être à quelques milliardaires et quelques politiciens arrogants et sans aucun scrupule. Mais ce qui fait peur, ce qui frappe, c'est la banalisation de ces situations. Des gens dorment dans la rue, des gens meurent dans la rue toute l'année et pourtant cela ne fait pas tellement réagir. Comme si c'était accepté, toléré, comme si cela ne concernait pas toutes et tous.
Pourtant tout le monde sait, tout le monde voit bien les gens dehors, sur un carton, sous une couverture, dans une tente. Mais trop de gens s'y résignent. C'est comme pour les fermetures d'usines, les licenciements, la précarité, le chômage, c'est comme si c'était inévitable, presque normal. C'est d'ailleurs souvent l'étape d'avant l'exclusion, la brisure et la rue.
Tout cela n'est pas que triste ou dramatique. C'est dégueulasse, c'est révoltant car la société est riche de tout. Et il n'y a pas que des victimes dans cette histoire, il y a surtout des responsables, des exploiteurs, des pilleurs. Il y a une organisation sociale profondément injuste qui fabrique l'exclusion et la pauvreté. Donc en vrai, il n'y a aucune fatalité. Ce qui nous donne toutes les raisons de nous battre pour que ça change, pour réquisitionner les logements vides jusqu'à ce que plus personnes ne soient contraints à vivre dehors. »
Philippe POUTOU


Le 20 juillet 2019 à Paris, il pose pour #ExilsIntraMuros et pose ses mots.



BARTABAS L’homme ne mérite son salut, que par le salut de tous.  

BARTABAS le 6 février 2019 à Aubervilliers pour #ExilsIntraMuros
BARTABAS

L’homme ne mérite son salut, que par le salut de tous.

BARTABAS le 6 février 2019 à Aubervilliers pour #ExilsIntraMuros

VALERIE OSOUF  ‟Entre ces voitures, sur cette bretelle en ce petit matin, pensant aux centaines de personnes entassées puis chassées de bouts de trottoirs exigus après avoir fui les guerres, la torture et la misère, le seul terme qui me vient est ‟vulnérabilité‟. Ce sentiment est redoublé par ma condition de femme. Être une femme à la rue signifie toujours être victime de viol. Proie parmi les proies. Si le degré de civilisation d'une société se mesure au soin qu'elle porte à ses membres plus fragiles, alors nous sommes des sauvages.‟ Valérie Osouf 

Elle pose pour #ExilsIntraMuros et pose ses mots.
A Paris le 12 septembre 2019
VALERIE OSOUF

‟Entre ces voitures, sur cette bretelle en ce petit matin, pensant aux centaines de personnes entassées puis chassées de bouts de trottoirs exigus après avoir fui les guerres, la torture et la misère, le seul terme qui me vient est ‟vulnérabilité‟. Ce sentiment est redoublé par ma condition de femme. Être une femme à la rue signifie toujours être victime de viol. Proie parmi les proies. Si le degré de civilisation d'une société se mesure au soin qu'elle porte à ses membres plus fragiles, alors nous sommes des sauvages.‟ Valérie Osouf

Elle pose pour #ExilsIntraMuros et pose ses mots.
A Paris le 12 septembre 2019

JASMINE VEGAS, chanteuse Paris : ville stressante, angoissante, bruyante, peu accueillante aux plus fragiles.

J'avais déjà vécu Paris comme tel il y a quelques années lorsque j'accompagnais mes parents vieillissants en visite à la capitale. Se balader dans les rues de Paris avec des personnes de plus de 80 ans n'est pas chose évidente. 

J'étais frappée en premier lieu par le bruit incessant des moteurs de véhicules, des crissements de bus, le brouhaha des gens, les claquements des grilles de magasin, des tasses de café stridentes dans les brasseries : le ronronnement de la ville. Ces bruits qui nous heurtent et entraînent dans le « speed » de la métropole.

Et puis le flot constant de gens qui nous bousculent, qui nous agressent de leur proximité, ne nous laisse pas non plus indemne. 

Les plus fragiles dans la ville sont entourés de monde alors qu'ils peuvent se sentir très seuls et démunis.

C'est le cas de ces exilés intra muros qui préoccupent tant Marc Melki. Grâce à sa démarche, j'ai pu vivre un court instant dans la peau de ces personnes qui errent dans les rues à la recherche d'un endroit où ils peuvent se poser, se reposer momentanément, quelques heures, avant de reprendre l'itinérance, tous les jours, toutes les nuits, seuls ou en famille, par beau temps, par temps de froid effroyable.

La prise de photo devait se faire dans une cabine téléphonique. J'avais rendez-vous avec Marc à une cabine pas loin de la sortie du métro Arts et Métiers. Mais lorsque nous sommes arrivés sur place, il y avait déjà un SDF, un vrai, qui dormait dedans !

Alors, nous avons commencé à arpenter les rues à la recherche d'une autre cabine. C'est là que j'ai compris la galère que peuvent rencontrer ces personnes en quête de repos, d'une planque. 

Car, il y a de moins en moins de cabines téléphoniques à notre époque du tout portable, du tout virtuel, du tout-à-distance. Sauf que, hélas, les exilés intra muros n'ont pas encore mutés !

Avec la disparition des cabines téléphoniques, le nombre d'abris potentiels se réduit pour les démunis qui perdent, en plus, la possibilité de communiquer avec leurs familles, les services sociaux ou tout autre personne qui pourrait leur venir en aide...

Après une bonne demi-heure de marche, n'ayant toujours pas trouvé de cabine, nous avons choisi un espace Autolib pour faire la photo. Marc Melki, qui connait bien le sujet, m'assurait que des gens dorment, de fait, dans ces structures, y apposant parfois même de petits meubles pour faire comme « chez soi ». 

C'était assez écœurant d'entrer là-dedans car il y a effectivement partout des traces de vie : miettes de pain ; flaques ; vieux papiers froissés et crasseux qui traînent, taches de gras sur les vitres...

Nous avons posé du carton par terre, une vieille couverture dessus et une autre pour me couvrir et je me suis allongée comme si je devais réellement dormir là ! En fermant les yeux j'ai essayé d'oublier où je me trouvais. Mais comment faire sachant qu'à n'importe quel moment quelqu'un aurait pu m'agresser. Humm, il faudrait que je devienne beaucoup plus crade en apparence, me disais-je, pour répulser des agresseurs potentiels. 

Le bruit incessant des pas juste derrière mon dos, les hurlements de la porte glissante d'un camion garé devant, le fracas de la circulation permanente me perturbaient en continu. Comment dormir dans de telles conditions ? J'ai déduis qu'on ne pourrait le faire qu’en cas d'extrême nécessité, à condition d'être épuisé à tel point que le sommeil viendrait en dépit de toute volonté...

Heureusement, je n'en étais pas là. Je me suis relevé au bout d'une dizaine de minutes. 

Mais les exilés intra muros, comment font ils ?

Paris le 18/03/2015, 9h37
JASMINE VEGAS, chanteuse

Paris : ville stressante, angoissante, bruyante, peu accueillante aux plus fragiles.

J'avais déjà vécu Paris comme tel il y a quelques années lorsque j'accompagnais mes parents vieillissants en visite à la capitale. Se balader dans les rues de Paris avec des personnes de plus de 80 ans n'est pas chose évidente.

J'étais frappée en premier lieu par le bruit incessant des moteurs de véhicules, des crissements de bus, le brouhaha des gens, les claquements des grilles de magasin, des tasses de café stridentes dans les brasseries : le ronronnement de la ville. Ces bruits qui nous heurtent et entraînent dans le « speed » de la métropole.

Et puis le flot constant de gens qui nous bousculent, qui nous agressent de leur proximité, ne nous laisse pas non plus indemne.

Les plus fragiles dans la ville sont entourés de monde alors qu'ils peuvent se sentir très seuls et démunis.

C'est le cas de ces exilés intra muros qui préoccupent tant Marc Melki. Grâce à sa démarche, j'ai pu vivre un court instant dans la peau de ces personnes qui errent dans les rues à la recherche d'un endroit où ils peuvent se poser, se reposer momentanément, quelques heures, avant de reprendre l'itinérance, tous les jours, toutes les nuits, seuls ou en famille, par beau temps, par temps de froid effroyable.

La prise de photo devait se faire dans une cabine téléphonique. J'avais rendez-vous avec Marc à une cabine pas loin de la sortie du métro Arts et Métiers. Mais lorsque nous sommes arrivés sur place, il y avait déjà un SDF, un vrai, qui dormait dedans !

Alors, nous avons commencé à arpenter les rues à la recherche d'une autre cabine. C'est là que j'ai compris la galère que peuvent rencontrer ces personnes en quête de repos, d'une planque.

Car, il y a de moins en moins de cabines téléphoniques à notre époque du tout portable, du tout virtuel, du tout-à-distance. Sauf que, hélas, les exilés intra muros n'ont pas encore mutés !

Avec la disparition des cabines téléphoniques, le nombre d'abris potentiels se réduit pour les démunis qui perdent, en plus, la possibilité de communiquer avec leurs familles, les services sociaux ou tout autre personne qui pourrait leur venir en aide...

Après une bonne demi-heure de marche, n'ayant toujours pas trouvé de cabine, nous avons choisi un espace Autolib pour faire la photo. Marc Melki, qui connait bien le sujet, m'assurait que des gens dorment, de fait, dans ces structures, y apposant parfois même de petits meubles pour faire comme « chez soi ».

C'était assez écœurant d'entrer là-dedans car il y a effectivement partout des traces de vie : miettes de pain ; flaques ; vieux papiers froissés et crasseux qui traînent, taches de gras sur les vitres...

Nous avons posé du carton par terre, une vieille couverture dessus et une autre pour me couvrir et je me suis allongée comme si je devais réellement dormir là ! En fermant les yeux j'ai essayé d'oublier où je me trouvais. Mais comment faire sachant qu'à n'importe quel moment quelqu'un aurait pu m'agresser. Humm, il faudrait que je devienne beaucoup plus crade en apparence, me disais-je, pour répulser des agresseurs potentiels.

Le bruit incessant des pas juste derrière mon dos, les hurlements de la porte glissante d'un camion garé devant, le fracas de la circulation permanente me perturbaient en continu. Comment dormir dans de telles conditions ? J'ai déduis qu'on ne pourrait le faire qu’en cas d'extrême nécessité, à condition d'être épuisé à tel point que le sommeil viendrait en dépit de toute volonté...

Heureusement, je n'en étais pas là. Je me suis relevé au bout d'une dizaine de minutes.

Mais les exilés intra muros, comment font ils ?

Paris le 18/03/2015, 9h37

LAURENT D'URSEL « Et si c’était moi ? Mais ç’a été moi ! Enfin, façon de parler… « J’ai été à la rue dans une autre vie ! » fut longtemps ma moins mauvaise réponse − en forme de boutade bien sûr − à cette question lancinante : « Pourquoi, tout d’un coup [fin 2011], le lancement de l’association DoucheFLUX et, plus généralement, ton obsession pour la cause des sans-abris ? » Aujourd’hui, je dirais d’abord qu’il convient de parler d’« immenses » (acronyme de « Individu dans une Merde Matérielle Énorme mais Non Sans Exigences ») à la place des dénominations stigmatisantes « sans-abris », « SDF », « sans-papiers » ou encore « précaires » (et j’ai l’honneur d’être le dévoué secrétaire du Syndicat des immenses). Aujourd’hui, je dirais surtout que, la Finlande ayant démontré qu’une fin du sans-abrisme est possible, le sans-abrisme n’est plus une tragique fatalité mais un choix de société et une décision politique. Je dirais, enfin, que le sans-abrisme sera un jour, à l’instar de l’esclavage, reconnu comme un crime contre l’humanité. D’ici-là…‟ Laurent d’Ursel


Il pose pour #ExilsIntraMuros et pose ses mots.
A Bruxelles le 20 janvier 2020
LAURENT D'URSEL

« Et si c’était moi ? Mais ç’a été moi ! Enfin, façon de parler… « J’ai été à la rue dans une autre vie ! » fut longtemps ma moins mauvaise réponse − en forme de boutade bien sûr − à cette question lancinante : « Pourquoi, tout d’un coup [fin 2011], le lancement de l’association DoucheFLUX et, plus généralement, ton obsession pour la cause des sans-abris ? » Aujourd’hui, je dirais d’abord qu’il convient de parler d’« immenses » (acronyme de « Individu dans une Merde Matérielle Énorme mais Non Sans Exigences ») à la place des dénominations stigmatisantes « sans-abris », « SDF », « sans-papiers » ou encore « précaires » (et j’ai l’honneur d’être le dévoué secrétaire du Syndicat des immenses). Aujourd’hui, je dirais surtout que, la Finlande ayant démontré qu’une fin du sans-abrisme est possible, le sans-abrisme n’est plus une tragique fatalité mais un choix de société et une décision politique. Je dirais, enfin, que le sans-abrisme sera un jour, à l’instar de l’esclavage, reconnu comme un crime contre l’humanité. D’ici-là…‟ Laurent d’Ursel


Il pose pour #ExilsIntraMuros et pose ses mots.
A Bruxelles le 20 janvier 2020

JEROME KARSENTI « J’ai fait de mon métier un engagement. D’abord je suis un avocat pénaliste et j’ai toujours conçu le droit pénal comme un engagement auprès des plus démuni.e.s. Je considère aussi qu’il y a des actions collectives, c’est une manière d’engager ma vie aux côtés de certaines causes. La cause d’abord des discriminations et du racisme... Aujourd’hui mon engagement est plus spécifique aux côtés des roms. Les roms sont une catégorie de la population totalement discriminée, quasiment considérés en Europe comme des sous hommes, qu’ils peuvent vivre ailleurs et qu’on relègue souvent dans des décharges publiques … Mon deuxième engagement, massif est un engagement contre la corruption et pour la probité, c’est-à-dire un engagement de défense de l’intérêt général. Je considère qu’aujourd’hui la montée des nationalismes, la montée des populismes, la montée des fascismes, a pour cause principale le discrédit des politiques, et cette baisse de frontières, d’étanchéité entre l’intérêt général et les intérêts privés. » Jérome Karsenti


Jerome Karsenti, avocat entre autres de l’association Anticor, a mené des combats emblématiques notamment contre Jacques Chirac, les sondages de l’Élysée, les étrennes des sénateurs UMP etc...

Il pose pour ET SI C’ÉTAIT VOUS ? et soutient #ExilsIntraMuros,
le 6 février 2020.
JEROME KARSENTI

« J’ai fait de mon métier un engagement. D’abord je suis un avocat pénaliste et j’ai toujours conçu le droit pénal comme un engagement auprès des plus démuni.e.s. Je considère aussi qu’il y a des actions collectives, c’est une manière d’engager ma vie aux côtés de certaines causes. La cause d’abord des discriminations et du racisme... Aujourd’hui mon engagement est plus spécifique aux côtés des roms. Les roms sont une catégorie de la population totalement discriminée, quasiment considérés en Europe comme des sous hommes, qu’ils peuvent vivre ailleurs et qu’on relègue souvent dans des décharges publiques … Mon deuxième engagement, massif est un engagement contre la corruption et pour la probité, c’est-à-dire un engagement de défense de l’intérêt général. Je considère qu’aujourd’hui la montée des nationalismes, la montée des populismes, la montée des fascismes, a pour cause principale le discrédit des politiques, et cette baisse de frontières, d’étanchéité entre l’intérêt général et les intérêts privés. » Jérome Karsenti


Jerome Karsenti, avocat entre autres de l’association Anticor, a mené des combats emblématiques notamment contre Jacques Chirac, les sondages de l’Élysée, les étrennes des sénateurs UMP etc...

Il pose pour ET SI C’ÉTAIT VOUS ? et soutient #ExilsIntraMuros,
le 6 février 2020.

Rebecca MANZONI ‟On oublie rien de rien. On oublie rien du tout. On oublie rien de rien.‟
Mais là, ouvrir les yeux et ne pas s'habituer. C'est tout.   

Rebecca Manzoni le 12 février 2019 à Paris
Rebecca MANZONI

‟On oublie rien de rien. On oublie rien du tout. On oublie rien de rien.‟
Mais là, ouvrir les yeux et ne pas s'habituer. C'est tout.

Rebecca Manzoni le 12 février 2019 à Paris

Carole BIANIC 7h du matin, la ville se réveille. Et je ne peux pas en vouloir à tous ces gens qui partent au travail, qui amènent leurs enfants à l’école, de ne pas me voir. Les enfants qui vont à l’école…Peut-être le seul souvenir d’une époque insouciante que mes propres enfants ne connaitront pas.
Je me dis que le jour où plus personne ne regardera ces photos il ne restera plus rien de nous. Elles sont notre ultime rempart contre le néant. 
Nous n’avons pas choisi cette misère que nous fuyons et qui nous rattrape. Il y a sans doute beaucoup de dossiers prioritaires à traiter, mais sommes-nous moins prioritaires que Notre Dame de Paris ? Il faudra bien s’occuper de nous pendant les JO…A bon entendeur.

Avons-nous vraiment besoin de se mettre à leur place pour se rendre compte de ce qu’ils vivent ?

Carole BIANIC à Paris 15e, le 10 mai 2019
Carole BIANIC

7h du matin, la ville se réveille. Et je ne peux pas en vouloir à tous ces gens qui partent au travail, qui amènent leurs enfants à l’école, de ne pas me voir. Les enfants qui vont à l’école…Peut-être le seul souvenir d’une époque insouciante que mes propres enfants ne connaitront pas.
Je me dis que le jour où plus personne ne regardera ces photos il ne restera plus rien de nous. Elles sont notre ultime rempart contre le néant.
Nous n’avons pas choisi cette misère que nous fuyons et qui nous rattrape. Il y a sans doute beaucoup de dossiers prioritaires à traiter, mais sommes-nous moins prioritaires que Notre Dame de Paris ? Il faudra bien s’occuper de nous pendant les JO…A bon entendeur.

Avons-nous vraiment besoin de se mettre à leur place pour se rendre compte de ce qu’ils vivent ?

Carole BIANIC à Paris 15e, le 10 mai 2019

LUC CHOQUER   L’odeur permanente des pots d’échappement, insupportable.
Le bruit des pas qui passent sans aucun arrêt, une espèce de solitude sans retour. 

Luc Choquer à Paris le 12 mars 2019, à 9h17, 9°.
LUC CHOQUER

 L’odeur permanente des pots d’échappement, insupportable.
Le bruit des pas qui passent sans aucun arrêt, une espèce de solitude sans retour. 

Luc Choquer à Paris le 12 mars 2019, à 9h17, 9°.

SARA GIRAUDEAU, actrice « On tente parfois d'oublier l'insupportable pour mieux supporter notre impuissance. Mais rien n'y fait. Car juste là, à nos pieds, c'est l'Amour même qui repose dans les bras de sa mère, qui enlace sa sœur ou son frère pour trouver de la chaleur. 
L'amour comme unique bien...Alors toi, vaillant petit homme, tu n'auras pas de biberon ce matin, tu n'auras pas de jouets, pas de tapis douillet sur lequel poser tes pieds nus, mais tu es l'Amour même, tu es notre injustice, et sache que nos cœurs brûlent et grondent lorsque nous pensons à toi… »


Photographiée à #Paris le 15 novembre 2017 à 9h38, avenue du Maine.
SARA GIRAUDEAU, actrice

« On tente parfois d'oublier l'insupportable pour mieux supporter notre impuissance. Mais rien n'y fait. Car juste là, à nos pieds, c'est l'Amour même qui repose dans les bras de sa mère, qui enlace sa sœur ou son frère pour trouver de la chaleur. 
L'amour comme unique bien...Alors toi, vaillant petit homme, tu n'auras pas de biberon ce matin, tu n'auras pas de jouets, pas de tapis douillet sur lequel poser tes pieds nus, mais tu es l'Amour même, tu es notre injustice, et sache que nos cœurs brûlent et grondent lorsque nous pensons à toi… »


Photographiée à #Paris le 15 novembre 2017 à 9h38, avenue du Maine.

Lydie MELKI Juste un instant a la naissance du printemps ... le soleil brille, les oiseaux chantent ... pas d'inconfort physique notoire ... par contre cette sensation de n'avoir aucune protection ... le bruit qui s'oblige à moi et la luminosité qui dans ces circonstances en devient agressive. Je sais que je suis allongée à la place d'un homme que je croise tout les jours en promenant mon chien... un homme qui me touche beaucoup ... 
10 min avant l'arrivée de Marc, il était encore là ... nous faisons la photo sans lui à proximité ... rien qui nous différencie, juste un peu plus de chance dans cette opaque loterie humaine. Comment savourer pleinement l'existence tant que cette misère ne sera pas soignée ? 

Paris 16ème, le 20 avril 2019 à 9h16
Lydie MELKI

Juste un instant a la naissance du printemps ... le soleil brille, les oiseaux chantent ... pas d'inconfort physique notoire ... par contre cette sensation de n'avoir aucune protection ... le bruit qui s'oblige à moi et la luminosité qui dans ces circonstances en devient agressive. Je sais que je suis allongée à la place d'un homme que je croise tout les jours en promenant mon chien... un homme qui me touche beaucoup ...
10 min avant l'arrivée de Marc, il était encore là ... nous faisons la photo sans lui à proximité ... rien qui nous différencie, juste un peu plus de chance dans cette opaque loterie humaine. Comment savourer pleinement l'existence tant que cette misère ne sera pas soignée ?

Paris 16ème, le 20 avril 2019 à 9h16


CEDRIC HERROU, agriculteur ‟Dormir est aussi vital que boire et manger. Dormir c'est se mettre en danger. Fermer les yeux c'est devenir une proie, retourner à la condition animal. Mon corps, lui, dort, pas mon esprit. Je vois à travers mes paupières, je vois les gens marcher, je vois leurs visages malgré mes paupières baissées. Je suis une proie facile, je suis dans une jungle où l Homme est retourné à l état animal. Dormir, dormir, dormir, me rassurer que je ne risque rien, car je ne suis rien, que les passants m 'inconsidèrent ou plutôt me considèrent comme du mobilier urbain obsolète. Une poubelle fermée à clef, un banc cassé ou une bouche d égout bouchée. Me rassurer que je ne suis rien, que je ne risque rien.‟

Cédric Herrou le 1er juin 2018 à #Paris 15ème
CEDRIC HERROU, agriculteur

‟Dormir est aussi vital que boire et manger. Dormir c'est se mettre en danger. Fermer les yeux c'est devenir une proie, retourner à la condition animal. Mon corps, lui, dort, pas mon esprit. Je vois à travers mes paupières, je vois les gens marcher, je vois leurs visages malgré mes paupières baissées. Je suis une proie facile, je suis dans une jungle où l Homme est retourné à l état animal. Dormir, dormir, dormir, me rassurer que je ne risque rien, car je ne suis rien, que les passants m 'inconsidèrent ou plutôt me considèrent comme du mobilier urbain obsolète. Une poubelle fermée à clef, un banc cassé ou une bouche d égout bouchée. Me rassurer que je ne suis rien, que je ne risque rien.‟

Cédric Herrou le 1er juin 2018 à #Paris 15ème

AURELIE EL HASSAK MARZORATI « Et si c’était nous…
 
Cette femme avec dans les mains un enfant qu’elle aime, et si c’était moi.
Cet enfant protégé par les bras de sa mère, et si c’était mon fils. 
Et si c’était moi qui me forçais à feindre de vivre.
Et si c’était mon tendre chérubin, par ces matins sans lumière et chaleur, qui perdait peu à peu son premier paradis, l’enfance.
Et si c’était nous qui dormions dans ce tunnel malade, bruyant et obscur.
À l’ombre de la vraie vie, du soleil et du temps
 
N’acceptons jamais qu’une famille puisse dormir à la rue !
… Eux, c’est nous, ..., nous qui composons la grande famille des humains et qui plus que jamais, face à cette crise sanitaire et économique sans précédent, devons écrire les pages d'une nouvelle politique de solidarité ambitieuse et bienveillante.

A Paris le 21 février 2020
AURELIE EL HASSAK MARZORATI

« Et si c’était nous…

Cette femme avec dans les mains un enfant qu’elle aime, et si c’était moi.
Cet enfant protégé par les bras de sa mère, et si c’était mon fils.
Et si c’était moi qui me forçais à feindre de vivre.
Et si c’était mon tendre chérubin, par ces matins sans lumière et chaleur, qui perdait peu à peu son premier paradis, l’enfance.
Et si c’était nous qui dormions dans ce tunnel malade, bruyant et obscur.
À l’ombre de la vraie vie, du soleil et du temps

N’acceptons jamais qu’une famille puisse dormir à la rue !
… Eux, c’est nous, ..., nous qui composons la grande famille des humains et qui plus que jamais, face à cette crise sanitaire et économique sans précédent, devons écrire les pages d'une nouvelle politique de solidarité ambitieuse et bienveillante.

A Paris le 21 février 2020

GUILLAUME MEURICE, humoriste « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. » 
Emmanuel Macron. 2017. France. Pays des droits de LOL. 
Guillaume Meurice
GUILLAUME MEURICE, humoriste

« La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. »
Emmanuel Macron. 2017. France. Pays des droits de LOL.
Guillaume Meurice

ALISON WHEELER, comédienne ‟ Ils sont nous. Je pourrais être l'un d'eux. Ils pourraient être moi mais ils n'ont pas de toit. 
Vivre sa vie à l'horizontale, sans horizon. 
Chanceux que nous sommes à ne pas avoir à nous demander où dormir ce soir, nous soucier de la pluie, du froid. N'oublions pas la chance que nous avons et ceux qui n'en ont pas. Nous ne pouvons pas les laisser dehors.‟

Alison Wheeler à #Paris le 18 décembre 2017 à 9h43
ALISON WHEELER, comédienne

‟ Ils sont nous. Je pourrais être l'un d'eux. Ils pourraient être moi mais ils n'ont pas de toit. 
Vivre sa vie à l'horizontale, sans horizon. 
Chanceux que nous sommes à ne pas avoir à nous demander où dormir ce soir, nous soucier de la pluie, du froid. N'oublions pas la chance que nous avons et ceux qui n'en ont pas. Nous ne pouvons pas les laisser dehors.‟

Alison Wheeler à #Paris le 18 décembre 2017 à 9h43

BRUNO SOLO acteur SANS ÇA !

Sans abri,
Sans toit,
Sans chaleur,
Sans repos,
Sans quiétude,
Sans bienveillance 
Sans tendresse,
Sans amour,
Sans humanité,
Qui veux vivre sans ça ?
Qui peux survivre sans ça ? 
Pas moi... et moi c’est vous, c’est nous !

A Paris le 24 octobre 2017 à 10h22, rue Balard.
BRUNO SOLO acteur

SANS ÇA !

Sans abri,
Sans toit,
Sans chaleur,
Sans repos,
Sans quiétude,
Sans bienveillance
Sans tendresse,
Sans amour,
Sans humanité,
Qui veux vivre sans ça ?
Qui peux survivre sans ça ?
Pas moi... et moi c’est vous, c’est nous !

A Paris le 24 octobre 2017 à 10h22, rue Balard.

FLORENCE LOIRET CAILLE ‟ Il y a fermer les yeux et fermer les yeux.‟

 
Florence Loiret Caille à #Paris le 12 décembre 2017 à 9h49,
9°.
FLORENCE LOIRET CAILLE

‟ Il y a fermer les yeux et fermer les yeux.‟


Florence Loiret Caille à #Paris le 12 décembre 2017 à 9h49,
9°.

YANNICK JADOT ‟Cette année, plus de 40 millions de personnes dans le monde auront été contraintes de se déplacer à cause de catastrophes naturelles. Cinq fois plus que les réfugiés dûs aux guerres et aux con its. Ouragans, inondations, sécheresses... le dérèglement climatique va faire exploser les compteurs dans les décennies à venir : plusieurs centaines de millions de personnes devront fuir des zones devenues temporairement ou pour longtemps inhabitables.
Comme toujours, ce sont les plus fragiles et les
plus pauvres d’entre nous qui en sont les premières victimes, parce qu’ils habitent dans les zones les plus exposées aux vagues-submersions, à la déserti cation, à la montée des eaux comme à celle des températures, à La Nouvelle-Orléans et au Bangladesh, à Saint-Martin et à Haïti, à Ouagadougou et dans les quartiers nord
de Marseille. Beaucoup d’entre eux viennent en ville espérant trouver refuge et solidarité, le plus souvent condamnés à survivre dans les zones de précarité urbaine. Le sans-abri demain sera d’abord climatique. Plus nous tarderons à changer un modèle économique qui détruit l’environnement et abîme tant de femmes et d’hommes, plus les déplacements de populations seront massifs et couvriront de longues distances. Alors bien sûr, nous devons agir vite et fort contre le dérèglement climatique pour éviter la catastrophe. Et construire des sociétés résilientes à ses impacts. En urgence, nous devons adopter un statut international du réfugié climatique, lui garantissant protection
et assistance. Bref, la solidarité contre le chaos et l’humiliation.‟

 A Paris, avenue Mathurin-Moreau, le 20 septembre 2017, à 9 h 28
YANNICK JADOT

‟Cette année, plus de 40 millions de personnes dans le monde auront été contraintes de se déplacer à cause de catastrophes naturelles. Cinq fois plus que les réfugiés dûs aux guerres et aux con its. Ouragans, inondations, sécheresses... le dérèglement climatique va faire exploser les compteurs dans les décennies à venir : plusieurs centaines de millions de personnes devront fuir des zones devenues temporairement ou pour longtemps inhabitables.
Comme toujours, ce sont les plus fragiles et les
plus pauvres d’entre nous qui en sont les premières victimes, parce qu’ils habitent dans les zones les plus exposées aux vagues-submersions, à la déserti cation, à la montée des eaux comme à celle des températures, à La Nouvelle-Orléans et au Bangladesh, à Saint-Martin et à Haïti, à Ouagadougou et dans les quartiers nord
de Marseille. Beaucoup d’entre eux viennent en ville espérant trouver refuge et solidarité, le plus souvent condamnés à survivre dans les zones de précarité urbaine. Le sans-abri demain sera d’abord climatique. Plus nous tarderons à changer un modèle économique qui détruit l’environnement et abîme tant de femmes et d’hommes, plus les déplacements de populations seront massifs et couvriront de longues distances. Alors bien sûr, nous devons agir vite et fort contre le dérèglement climatique pour éviter la catastrophe. Et construire des sociétés résilientes à ses impacts. En urgence, nous devons adopter un statut international du réfugié climatique, lui garantissant protection
et assistance. Bref, la solidarité contre le chaos et l’humiliation.‟

A Paris, avenue Mathurin-Moreau, le 20 septembre 2017, à 9 h 28

AGNES BIHL, chanteuse ‟Tiens, vla l'hiver.
Un temps à ne pas mettre un chien dehors ou alors rapidement, juste une petite balade histoire de satisfaire des besoins bien naturels. Et encore. Attention. Si vous avez un lévrier, yorkshire ou chihuahua, veillez à bien le couvrir -- ce sont des races fragiles qui attrapent vite froid, on ne plaisante pas avec ça. 
De même, si vous avez un jardin, une terrasse ou même juste un petit un balcon, pensez à bien rentrer vos citronniers, hibiscus et géraniums, ces plantes sont frileuses et souffrent dès - 2°C. D'ailleurs, l'humidité constante en cette saison ne leur réussi guère et présente un réel danger pour leur croissance, leur future floraison ou même leur survie. En revanche, vous pouvez sans problème laisser dehors les hortensias, les jasmins, les roms, les migrants et autres sans abris -- ceux là ne craignent rien et ont une bonne rusticité. Les jardiniers avertis et les pouvoirs publics le savent bien, rien ne sert d'être plus royaliste que le roi -- surtout en République.
D'ailleurs c'est bien connu, les Roms sont des nomades qui préfèrent camper au grand air, les Migrants des petits malins qui vivent de nos aides sociales, et la plupart des SDF sont des alcolos feignasses et crasseux qui ont choisi la Rue, le plus souvent de leur plein grès.
Ben voyons.
C'est vrai que l'Hôtel des courants d'air, les abribus, les portes cochères, c'est douillet et tout confort -- on ne s'en lasse pas.
Bon d'accord on ne vit pas centenaire, on crève de froid, de solitude, d'agressions, de suicides, mais sinon c'est vachement bien. C'est sans doute pour ça que les bidonvilles fleurissent en marge du périph', c'est un coin idéal pour élever ses gamins tranquille-peinard et profiter du système.
SDF, Roms, Migrants, 2000 morts dans nos rues tous les ans, discriminations, maladies, insalubrité des lieux de survie...c'est déjà sympa d'en parler. Bien sûr. Mais derrière les chiffres, les graphiques, les initiales, se trouvent surtout des personnes, des histoires. De l'Humain. Bojan, 14 ans, né dans un bidonville au pays des Droits de l'Homme. Jean-Marc, 49 ans, trouvé mort dans la rue au début du mois de décembre. Awa, 25 ans, pendue dans sa chambre d'hôtel. Et puis il y a Dominique. Dominique qui trône depuis dix ans dans mon quartier, mais à qui je n'ai jamais osé vraiment parler. Sauf bonjour. Et courage. Dominique à qui j'achète de temps en temps un pot de Nutella, un sandwich ou un paquet de clopes -- au moins j'ai l'impression de faire un petit quelque chose, une goutte de bonne conscience dans un océan de détresse. Dominique le clodo, le cradingue. Le marginal. 
SDF. Juste 3 lettres. C'est pas beaucoup, 3 lettres, pour définir un être humain.
SDF.  Sans Démocratie Fixe. Il y a deux poids deux mesures, les citoyens normaux et ceux qui ne comptent pas. Ceux qui ne sont plus rien. Et surtout plus personne.   
SDF. Sans Droits Fondamentaux, on ne peut pas tenir. Invisible et paumé, on ne peut que crever -- pauvre tache de plus qui salit les trottoirs et qu'on essaye de ne pas voir.
SDF. Sans Décision Ferme du gouvernement pour faire enfin son boulot et soulager la misère, c'est moi aussi qui perd de mon humanité et qui me gèle le coeur...
Tiens, vla l'hiver.‟


Agnès Bihl Paris, le 1/02/2018 à 9h56
AGNES BIHL, chanteuse

‟Tiens, vla l'hiver.
Un temps à ne pas mettre un chien dehors ou alors rapidement, juste une petite balade histoire de satisfaire des besoins bien naturels. Et encore. Attention. Si vous avez un lévrier, yorkshire ou chihuahua, veillez à bien le couvrir -- ce sont des races fragiles qui attrapent vite froid, on ne plaisante pas avec ça.
De même, si vous avez un jardin, une terrasse ou même juste un petit un balcon, pensez à bien rentrer vos citronniers, hibiscus et géraniums, ces plantes sont frileuses et souffrent dès - 2°C. D'ailleurs, l'humidité constante en cette saison ne leur réussi guère et présente un réel danger pour leur croissance, leur future floraison ou même leur survie. En revanche, vous pouvez sans problème laisser dehors les hortensias, les jasmins, les roms, les migrants et autres sans abris -- ceux là ne craignent rien et ont une bonne rusticité. Les jardiniers avertis et les pouvoirs publics le savent bien, rien ne sert d'être plus royaliste que le roi -- surtout en République.
D'ailleurs c'est bien connu, les Roms sont des nomades qui préfèrent camper au grand air, les Migrants des petits malins qui vivent de nos aides sociales, et la plupart des SDF sont des alcolos feignasses et crasseux qui ont choisi la Rue, le plus souvent de leur plein grès.
Ben voyons.
C'est vrai que l'Hôtel des courants d'air, les abribus, les portes cochères, c'est douillet et tout confort -- on ne s'en lasse pas.
Bon d'accord on ne vit pas centenaire, on crève de froid, de solitude, d'agressions, de suicides, mais sinon c'est vachement bien. C'est sans doute pour ça que les bidonvilles fleurissent en marge du périph', c'est un coin idéal pour élever ses gamins tranquille-peinard et profiter du système.
SDF, Roms, Migrants, 2000 morts dans nos rues tous les ans, discriminations, maladies, insalubrité des lieux de survie...c'est déjà sympa d'en parler. Bien sûr. Mais derrière les chiffres, les graphiques, les initiales, se trouvent surtout des personnes, des histoires. De l'Humain. Bojan, 14 ans, né dans un bidonville au pays des Droits de l'Homme. Jean-Marc, 49 ans, trouvé mort dans la rue au début du mois de décembre. Awa, 25 ans, pendue dans sa chambre d'hôtel. Et puis il y a Dominique. Dominique qui trône depuis dix ans dans mon quartier, mais à qui je n'ai jamais osé vraiment parler. Sauf bonjour. Et courage. Dominique à qui j'achète de temps en temps un pot de Nutella, un sandwich ou un paquet de clopes -- au moins j'ai l'impression de faire un petit quelque chose, une goutte de bonne conscience dans un océan de détresse. Dominique le clodo, le cradingue. Le marginal.
SDF. Juste 3 lettres. C'est pas beaucoup, 3 lettres, pour définir un être humain.
SDF. Sans Démocratie Fixe. Il y a deux poids deux mesures, les citoyens normaux et ceux qui ne comptent pas. Ceux qui ne sont plus rien. Et surtout plus personne.
SDF. Sans Droits Fondamentaux, on ne peut pas tenir. Invisible et paumé, on ne peut que crever -- pauvre tache de plus qui salit les trottoirs et qu'on essaye de ne pas voir.
SDF. Sans Décision Ferme du gouvernement pour faire enfin son boulot et soulager la misère, c'est moi aussi qui perd de mon humanité et qui me gèle le coeur...
Tiens, vla l'hiver.‟


Agnès Bihl Paris, le 1/02/2018 à 9h56

MALIK DJOUDI, chanteur ‟Une seconde peut changer des années …‟

Malik DJOUDI, à Paris le 9 février 2018, 0°
MALIK DJOUDI, chanteur

‟Une seconde peut changer des années …‟

Malik DJOUDI, à Paris le 9 février 2018, 0°

ANOUCHKA DESSEILLES, peintre « Quinze minutes, sur ce fil instable de l'asphalte,
allongée sur ces cartons d'infortunes, cerclée des fenêtre miroirs d’Autolib',
exhibée, comme dans un tombeau ou comme sur une scène de théâtre :
des passants qui poursuivent leur chemin, d'autres qui s'arrêtent interloqués … » 

Anouchka DESSEILLES le 10/07/2018 à 10h09
1 rue Jules Romains #Paris 19ème
ANOUCHKA DESSEILLES, peintre

« Quinze minutes, sur ce fil instable de l'asphalte,
allongée sur ces cartons d'infortunes, cerclée des fenêtre miroirs d’Autolib',
exhibée, comme dans un tombeau ou comme sur une scène de théâtre :
des passants qui poursuivent leur chemin, d'autres qui s'arrêtent interloqués … »

Anouchka DESSEILLES le 10/07/2018 à 10h09
1 rue Jules Romains #Paris 19ème

BRUNO MAMAN, chanteur ‟La rue est une prison à ciel ouvert. Le passant est un maton, qui d’un regard nous enferme. »


#Paris 17ème le 25 septembre 2018 à 8h08
BRUNO MAMAN, chanteur

‟La rue est une prison à ciel ouvert. Le passant est un maton, qui d’un regard nous enferme. »


#Paris 17ème le 25 septembre 2018 à 8h08

RAPHAEL GLUCKSMANN, essayiste ‟Dans nos rues et sur nos places, relégués au fond de sinistres bidonvilles ou squattant des cabines téléphoniques hors d'âge, des milliers de miroirs hantent Paris.
Ils nous renvoient une image de nous-mêmes si difficile à contempler que nous refusons de les voir, préférant zapper leur existence, faire comme s'ils n'étaient pas là ou les blâmer pour leur misère.
La nature d'une société se lit dans le sort qu'elle réserve à ses marges. Les sans-abris en général et les Roms en particulier sont autant de reflets de la France et de l'Europe que nous sommes en train de construire ou plutôt de laisser péricliter.
Nous sommes un pays riche, mais une société bien pauvre si nous ne parvenons pas à trouver un toit à ces milliers d'enfants et d'adultes qui errent parmi nous. Nous avons un passé lumineux, mais un futur bien sombre si nous ne pouvons plus voir dans l'autre un semblable, dans l'étranger un proche, dans celui qui n'a plus rien un frère en condition humaine.
Notre nation mourra de ne plus être capable d'empathie. Et donc de solidarité. Nous nous recroquevillons sur nous-mêmes, ce que nous avons et ce que nous pensons être, cette fameuse identité qui ressemble de plus en plus à une prison pour le cœur et l'âme. Au bout du repli, il n'y a que la mort. Si nous voulons vivre, vraiment, comme citoyens et comme être humains, cessons d'ignorer les Roms, les sans abris, les sans papiers, ces sans rien qui portent la vérité de notre tout.
En les voyant, nous nous verrons nous-mêmes. En les aidant, nous nous aiderons nous-même. La chasse aux pauvres ne balaie pas la misère, elle creuse notre tombe à tous. ‟

Raphaël Glucksmann le 17/06/2015 à 9h32
RAPHAEL GLUCKSMANN, essayiste

‟Dans nos rues et sur nos places, relégués au fond de sinistres bidonvilles ou squattant des cabines téléphoniques hors d'âge, des milliers de miroirs hantent Paris.
Ils nous renvoient une image de nous-mêmes si difficile à contempler que nous refusons de les voir, préférant zapper leur existence, faire comme s'ils n'étaient pas là ou les blâmer pour leur misère.
La nature d'une société se lit dans le sort qu'elle réserve à ses marges. Les sans-abris en général et les Roms en particulier sont autant de reflets de la France et de l'Europe que nous sommes en train de construire ou plutôt de laisser péricliter.
Nous sommes un pays riche, mais une société bien pauvre si nous ne parvenons pas à trouver un toit à ces milliers d'enfants et d'adultes qui errent parmi nous. Nous avons un passé lumineux, mais un futur bien sombre si nous ne pouvons plus voir dans l'autre un semblable, dans l'étranger un proche, dans celui qui n'a plus rien un frère en condition humaine.
Notre nation mourra de ne plus être capable d'empathie. Et donc de solidarité. Nous nous recroquevillons sur nous-mêmes, ce que nous avons et ce que nous pensons être, cette fameuse identité qui ressemble de plus en plus à une prison pour le cœur et l'âme. Au bout du repli, il n'y a que la mort. Si nous voulons vivre, vraiment, comme citoyens et comme être humains, cessons d'ignorer les Roms, les sans abris, les sans papiers, ces sans rien qui portent la vérité de notre tout.
En les voyant, nous nous verrons nous-mêmes. En les aidant, nous nous aiderons nous-même. La chasse aux pauvres ne balaie pas la misère, elle creuse notre tombe à tous. ‟

Raphaël Glucksmann le 17/06/2015 à 9h32

JONATHAN ZACCAÏ, acteur
JONATHAN ZACCAÏ, acteur

PAELLA, peintre ‟Les tortionnaires le savent bien, empêcher un être humain de dormir est l'un des moyens les plus sûrs pour le soumettre et l'avilir‟ 

PAELLA à Paris le 19 juillet 2018
PAELLA, peintre

‟Les tortionnaires le savent bien, empêcher un être humain de dormir est l'un des moyens les plus sûrs pour le soumettre et l'avilir‟

PAELLA à Paris le 19 juillet 2018

COLOMBE SCHNECK, écrivaine
COLOMBE SCHNECK, écrivaine

MARIE-LAURE FAGES, politique ‟I have a dream: les sans-abris, grande cause nationale.
Mon engagement dans la vie publique est né d'une révolte: la conscience de l'égalité humaine! 
Quand Marc m'a proposé cette expérience, j'ai senti d'instinct une utilité à sa démarche artistique. Se mettre à la place de ceux qui n'ont plus de place dans notre Société , les « sans-abris » ou les oubliés de tout, le Peuple des Invisibles. 
S'allonger sur le sol, perdre la dignité d'un être humain debout est la première sensation.
Puis, très vite, vous vous sentez vulnérable, vous devenez une proie... Vous ne pouvez trouver le repos, le sommeil: le bruit, le froid, les passants sont permanents...
Il est permis de douter, parfois, dans une vie de la force et de l'utilité des combats que l'on mène, mais il n'est pas permis de douter de notre humanité. 
Je veux qu'on oublie d'oublier l'Humain dans notre Société !
Avant d'être des « sans-abris » se sont des êtres humains ‟avec‟ une dignité, des droits...
J'appelle à inventer un nouvel Humanisme dans notre Société, celui où les hommes debout aident ceux allongés sur le sol à se relever et pouvoir ainsi, les regarder, à nouveau, à même hauteur de regard... Un regard d'espérance infinie dans la Vie… »


Marie-Laure Fages, femme politique, militante des droits humains
Paris, le 9 avril 2018, Rue Gay Lussac, 8h30
MARIE-LAURE FAGES, politique

‟I have a dream: les sans-abris, grande cause nationale.
Mon engagement dans la vie publique est né d'une révolte: la conscience de l'égalité humaine!
Quand Marc m'a proposé cette expérience, j'ai senti d'instinct une utilité à sa démarche artistique. Se mettre à la place de ceux qui n'ont plus de place dans notre Société , les « sans-abris » ou les oubliés de tout, le Peuple des Invisibles. 
S'allonger sur le sol, perdre la dignité d'un être humain debout est la première sensation.
Puis, très vite, vous vous sentez vulnérable, vous devenez une proie... Vous ne pouvez trouver le repos, le sommeil: le bruit, le froid, les passants sont permanents...
Il est permis de douter, parfois, dans une vie de la force et de l'utilité des combats que l'on mène, mais il n'est pas permis de douter de notre humanité. 
Je veux qu'on oublie d'oublier l'Humain dans notre Société !
Avant d'être des « sans-abris » se sont des êtres humains ‟avec‟ une dignité, des droits...
J'appelle à inventer un nouvel Humanisme dans notre Société, celui où les hommes debout aident ceux allongés sur le sol à se relever et pouvoir ainsi, les regarder, à nouveau, à même hauteur de regard... Un regard d'espérance infinie dans la Vie… »


Marie-Laure Fages, femme politique, militante des droits humains
Paris, le 9 avril 2018, Rue Gay Lussac, 8h30

PAUL BEHERGE, écrivain « Je me sens un peu coupable parce que je ne fais pas grand-chose pour les gens qui vivent dans la rue, alors je me lève quand même. La veille, j’ai rechigné quand Marc m’a dit l’heure à laquelle on devait se retrouver. Je rechigne quand je le retrouve. Marc dit que c’est déjà bien plus tard que l’heure à laquelle se lèvent les gens dans la rue. Il a raison.
Il déballe les cartons et les couvertures. Je m’installe. C’est drôle, c’est comme un jeu. Les cinq premières minutes, c’est moins désagréable que j’imaginais. Puis je me rends compte : la borne Auto-Lib contre laquelle j’ai posé ma tête pue la pisse. Ou bien la rouille. L’écharpe qui me sert d’oreiller se tasse, me fait mal au cou. Il y a des gens derrière moi, c’est gênant. Je suis allongé sur mon bras. Il y a déjà trop de soleil pour que je puisse fermer les yeux sans les plisser. Les bagnoles qui passent sur la quatre-voies me font sursauter. Non : en fait, c’est vraiment pénible.
Après, quand ça a été fini, on est allés boire un chocolat. Je me suis réchauffé, resucré, j'ai tenu des propos très généraux sur les causes du mal-logement, les photographies de romanciers, Marc est parti et je suis rentré chez moi. Je me suis senti un peu coupable parce que je ne fais pas grand-chose pour les gens qui vivent dans la rue. Il faut faire plus. » 

Paul Béhergé à Paris le18 septembre 2018 à 8h58
PAUL BEHERGE, écrivain

« Je me sens un peu coupable parce que je ne fais pas grand-chose pour les gens qui vivent dans la rue, alors je me lève quand même. La veille, j’ai rechigné quand Marc m’a dit l’heure à laquelle on devait se retrouver. Je rechigne quand je le retrouve. Marc dit que c’est déjà bien plus tard que l’heure à laquelle se lèvent les gens dans la rue. Il a raison.
Il déballe les cartons et les couvertures. Je m’installe. C’est drôle, c’est comme un jeu. Les cinq premières minutes, c’est moins désagréable que j’imaginais. Puis je me rends compte : la borne Auto-Lib contre laquelle j’ai posé ma tête pue la pisse. Ou bien la rouille. L’écharpe qui me sert d’oreiller se tasse, me fait mal au cou. Il y a des gens derrière moi, c’est gênant. Je suis allongé sur mon bras. Il y a déjà trop de soleil pour que je puisse fermer les yeux sans les plisser. Les bagnoles qui passent sur la quatre-voies me font sursauter. Non : en fait, c’est vraiment pénible.
Après, quand ça a été fini, on est allés boire un chocolat. Je me suis réchauffé, resucré, j'ai tenu des propos très généraux sur les causes du mal-logement, les photographies de romanciers, Marc est parti et je suis rentré chez moi. Je me suis senti un peu coupable parce que je ne fais pas grand-chose pour les gens qui vivent dans la rue. Il faut faire plus. »

Paul Béhergé à Paris le18 septembre 2018 à 8h58


PIERRE ARDITI acteur « La peur de perdre ce que l'on a nous empêche d'atteindre ce que l'on est. » Saint-Augustin 

Pierre Arditi, rue Gay-Lussac à Paris le 15_05_2017 à 7h25
PIERRE ARDITI acteur

« La peur de perdre ce que l'on a nous empêche d'atteindre ce que l'on est. » Saint-Augustin

Pierre Arditi, rue Gay-Lussac à Paris le 15_05_2017 à 7h25

ROBIN RENUCCI, comédien « Un frère ou une sœur, et encore d’avantage un enfant, on ne le laisse pas à la rue. On ne le laisse pas se débrouiller seul.e devant des policiers qui chargent, qui gazent, devant des circulaires qui font la chasse à l’homme. On l’aide comme on peut, on l’accompagne, on l’héberge, on lui ouvre nos théâtres, nos salles de répétition, nos maisons, pour le ou la protéger de la rue et de ses violences, on évite les contrôles de police avec lui ou elle, on le fait ou la fait changer de domicile en pleine nuit quand on sait qu’il va y avoir une descente de police, on monte des dossiers, des recours, on le ou la cache, on l’aide à circuler, à trouver de quoi manger. On noue des solidarités, avec tel.le policier.e qui vous prévient anonymement qu’un tel va être arrêté, avec tel.le enseignant.e qui fait l’impossible pour empêcher qu’un enfant soit retiré de son école, qui passe son temps libre à donner bénévolement des cours de français, avec telle famille qui va accueillir chez elle un mineur isolé sans papier et tenter de l’accompagner dans la jungle administrative actuelle, avec tel médecin, qui va soigner sans rien demander en retour, et surtout pas les « papiers » 

Robin Renucci le 19 avril 2018, bd Péreire, #Paris 17ème à 9h13
ROBIN RENUCCI, comédien

« Un frère ou une sœur, et encore d’avantage un enfant, on ne le laisse pas à la rue. On ne le laisse pas se débrouiller seul.e devant des policiers qui chargent, qui gazent, devant des circulaires qui font la chasse à l’homme. On l’aide comme on peut, on l’accompagne, on l’héberge, on lui ouvre nos théâtres, nos salles de répétition, nos maisons, pour le ou la protéger de la rue et de ses violences, on évite les contrôles de police avec lui ou elle, on le fait ou la fait changer de domicile en pleine nuit quand on sait qu’il va y avoir une descente de police, on monte des dossiers, des recours, on le ou la cache, on l’aide à circuler, à trouver de quoi manger. On noue des solidarités, avec tel.le policier.e qui vous prévient anonymement qu’un tel va être arrêté, avec tel.le enseignant.e qui fait l’impossible pour empêcher qu’un enfant soit retiré de son école, qui passe son temps libre à donner bénévolement des cours de français, avec telle famille qui va accueillir chez elle un mineur isolé sans papier et tenter de l’accompagner dans la jungle administrative actuelle, avec tel médecin, qui va soigner sans rien demander en retour, et surtout pas les « papiers »

Robin Renucci le 19 avril 2018, bd Péreire, #Paris 17ème à 9h13


OLIVIER CULMANN, photographe ‟De la nécessité de nous voir nous-même pour pouvoir (re)voir les autres. C’est le triste constat que pointe, indirectement et sans relâche, le photographe Marc Melki.
Troublante résonance avec la pratique compulsive et actuelle du Selfie où l’appareil s’est retourné vers soi et n’est plus – comme l’œil – dirigé vers les autres. 
Ou comment l’altérité s’est altérée au point qu’on pourrait se demander si l’autre existe encore ?

Olivier Culmann le 16 janvier 2018
OLIVIER CULMANN, photographe

‟De la nécessité de nous voir nous-même pour pouvoir (re)voir les autres. C’est le triste constat que pointe, indirectement et sans relâche, le photographe Marc Melki.
Troublante résonance avec la pratique compulsive et actuelle du Selfie où l’appareil s’est retourné vers soi et n’est plus – comme l’œil – dirigé vers les autres.
Ou comment l’altérité s’est altérée au point qu’on pourrait se demander si l’autre existe encore ?

Olivier Culmann le 16 janvier 2018

STEPHANIE HOCHET, écrivaine ‟C’était votre plus grande peur. Votre peur enfouie, profonde, dissimulée dans le silence. Une peur à laquelle vous ne voulez pas faire face, et c’est bien normal, c’est humain. Votre peur cachée, votre peur taboue.
Personne n’imagine que la vie peut vous malmener jusque là. Et tout va à son rythme. Un rythme que vous ne maîtrisez pas. Vous n’avez pas eu le temps de vous rendre compte. Ou, plutôt, vous n’avez pas voulu vous rendre compte. Comme les choses se passaient mal dans votre couple, le reste n’avait plus d’importance. Le couple dissolu, il a fallu quitter l’appartement.
Et soudain, plus rien n’allait de soi. Le quotidien n’existait plus. Une amie vous a hébergé. Vous veniez de terminer votre CDD qui n’a pas été renouvelé. La vie devait vous prodiguer un autre travail. Mais la vie ne vous doit rien, et vous l’a fait comprendre.
Vous avez déposé des candidatures par la poste, vous avez apporté vos lettres de candidature aux entreprises. Vous avez appelé Pôle Emploi. Vous avez rappelé Pôle Emploi, plusieurs fois. Votre profil ne convenait pas tout à fait, ou plutôt on vous préférait quelqu’un de plus jeune. Il y a toujours quelqu’un de plus jeune.
Vous avez passé plus de temps dans les supermarchés pour ne pas rater les promotions. Vous avez fait des calculs. Les sous économisés et les sous dépensés.
Mais vous viviez toujours chez votre amie qui a « rencontré quelqu’un ». Vous avez senti, sans qu’elle vous le demande qu’il était temps de partir.
Mais pour aller où ?
La fierté vous fermait la bouche. Vous ne pouviez pas supplier l’amie qui commençait une nouvelle vie. Vous n’aviez plus de nouvelles de votre famille depuis longtemps. Votre famille est devenue une idée lointaine, irréelle.
Première nuit dans la rue : quel endroit ? Que garder avec soi ? Dormir avec ses chaussures ? Toujours sur le qui-vive. La peur vous empêche de dormir les premières nuits. La première semaine vous ne perdez pas conscience. Vous êtes là, à guetter le danger qui peut venir de partout. Vous sursautez quand des gens hurlent, vous cachez votre visage, vous vous roulez en boule. Prendre le moins de place, devenir invisible. Si seulement c’était possible.
La ville se réveille tôt, se couche tard. Devoir s’adapter à son tempo. Le premier matin sans salle de bain. Envie de pleurer.
La rue vous a absorbé. Ses tentacules sont puissantes, son haleine fétide, elle est dure et possessive comme une marâtre. Maltraitante, elle vous absorbe dans son monde.
La lutte pour survivre. La fatigue, l’espoir parti.
Et demain ?‟

Stéphanie Hochet à Paris le 24 janvier 2018
STEPHANIE HOCHET, écrivaine

‟C’était votre plus grande peur. Votre peur enfouie, profonde, dissimulée dans le silence. Une peur à laquelle vous ne voulez pas faire face, et c’est bien normal, c’est humain. Votre peur cachée, votre peur taboue.
Personne n’imagine que la vie peut vous malmener jusque là. Et tout va à son rythme. Un rythme que vous ne maîtrisez pas. Vous n’avez pas eu le temps de vous rendre compte. Ou, plutôt, vous n’avez pas voulu vous rendre compte. Comme les choses se passaient mal dans votre couple, le reste n’avait plus d’importance. Le couple dissolu, il a fallu quitter l’appartement.
Et soudain, plus rien n’allait de soi. Le quotidien n’existait plus. Une amie vous a hébergé. Vous veniez de terminer votre CDD qui n’a pas été renouvelé. La vie devait vous prodiguer un autre travail. Mais la vie ne vous doit rien, et vous l’a fait comprendre.
Vous avez déposé des candidatures par la poste, vous avez apporté vos lettres de candidature aux entreprises. Vous avez appelé Pôle Emploi. Vous avez rappelé Pôle Emploi, plusieurs fois. Votre profil ne convenait pas tout à fait, ou plutôt on vous préférait quelqu’un de plus jeune. Il y a toujours quelqu’un de plus jeune.
Vous avez passé plus de temps dans les supermarchés pour ne pas rater les promotions. Vous avez fait des calculs. Les sous économisés et les sous dépensés.
Mais vous viviez toujours chez votre amie qui a « rencontré quelqu’un ». Vous avez senti, sans qu’elle vous le demande qu’il était temps de partir.
Mais pour aller où ?
La fierté vous fermait la bouche. Vous ne pouviez pas supplier l’amie qui commençait une nouvelle vie. Vous n’aviez plus de nouvelles de votre famille depuis longtemps. Votre famille est devenue une idée lointaine, irréelle.
Première nuit dans la rue : quel endroit ? Que garder avec soi ? Dormir avec ses chaussures ? Toujours sur le qui-vive. La peur vous empêche de dormir les premières nuits. La première semaine vous ne perdez pas conscience. Vous êtes là, à guetter le danger qui peut venir de partout. Vous sursautez quand des gens hurlent, vous cachez votre visage, vous vous roulez en boule. Prendre le moins de place, devenir invisible. Si seulement c’était possible.
La ville se réveille tôt, se couche tard. Devoir s’adapter à son tempo. Le premier matin sans salle de bain. Envie de pleurer.
La rue vous a absorbé. Ses tentacules sont puissantes, son haleine fétide, elle est dure et possessive comme une marâtre. Maltraitante, elle vous absorbe dans son monde.
La lutte pour survivre. La fatigue, l’espoir parti.
Et demain ?‟

Stéphanie Hochet à Paris le 24 janvier 2018

CELINE CURIOL écrivaine Le sol, d’habitude, est toujours en bas mais voilà qu’il est ce matin à hauteur de mon visage et de mes yeux. Je suis couchée sur des cartons aplatis, la tête posée sur de vieux chiffons, sous une couverture râpeuse et grise. Quand Marc Melki m’a désigné l’emplacement, ce “lit” d’appoint qu’il avait installé dans une station Autolib’, arche de verre ouverte à tous les vents, j’ai
eu une hésitation : se coucher à ras du sol, se mettre ainsi à terre, de tout mon long, à portée de trottoir et de caniveau, s’éprouvait déjà instinctivement comme un changement de niveau, une réduction de ma stature d’être humain, droit et debout, à celle d’une créature subalterne. C’était déjà s’effondrer un peu.
Par terre tombait le sale, furetaient les rats, les cafards et les pigeons, ces animaux nuisibles. Je ne devais pourtant m’allonger que le temps d’une prise de vue. Mais tandis que je cherchais une position pas trop inconfortable, cernée par des odeurs douteuses, j’ai cru éprouver ce que franchir sa propre dignité pouvait être. J’ai fermé les yeux. Combien me suis-je sentie vulnérable ! Je n’étais plus dans la ville parmi d’autres semblables, mais au-dessous d’eux, livrée à leurs regards envahissants, surplombée par des bruits trop intenses, le rugissement des moteurs et le claquement des pas devenant à chaque instant menaces. J’étais en alerte, j’étais “sans abri”. Comment parvenir à dormir ? Comment s’absenter dans le sommeil quand on n’a plus que son corps pour protection ?
A Paris 20e, rue des Pyrénées, le 12 avril 2017, à 8 h 46
CELINE CURIOL écrivaine

Le sol, d’habitude, est toujours en bas mais voilà qu’il est ce matin à hauteur de mon visage et de mes yeux. Je suis couchée sur des cartons aplatis, la tête posée sur de vieux chiffons, sous une couverture râpeuse et grise. Quand Marc Melki m’a désigné l’emplacement, ce “lit” d’appoint qu’il avait installé dans une station Autolib’, arche de verre ouverte à tous les vents, j’ai
eu une hésitation : se coucher à ras du sol, se mettre ainsi à terre, de tout mon long, à portée de trottoir et de caniveau, s’éprouvait déjà instinctivement comme un changement de niveau, une réduction de ma stature d’être humain, droit et debout, à celle d’une créature subalterne. C’était déjà s’effondrer un peu.
Par terre tombait le sale, furetaient les rats, les cafards et les pigeons, ces animaux nuisibles. Je ne devais pourtant m’allonger que le temps d’une prise de vue. Mais tandis que je cherchais une position pas trop inconfortable, cernée par des odeurs douteuses, j’ai cru éprouver ce que franchir sa propre dignité pouvait être. J’ai fermé les yeux. Combien me suis-je sentie vulnérable ! Je n’étais plus dans la ville parmi d’autres semblables, mais au-dessous d’eux, livrée à leurs regards envahissants, surplombée par des bruits trop intenses, le rugissement des moteurs et le claquement des pas devenant à chaque instant menaces. J’étais en alerte, j’étais “sans abri”. Comment parvenir à dormir ? Comment s’absenter dans le sommeil quand on n’a plus que son corps pour protection ?
A Paris 20e, rue des Pyrénées, le 12 avril 2017, à 8 h 46

MAGYD CHERFI, chanteur 				Dormir

Dormir comme on nous fait la courte échelle . Dormir comme déposé sur la  lune . Comme on nous lance vers un ailleurs où l'amour est loi . Comme on nous jette par dessus l'arbre qui cache   la misère d'en bas , dormir un peu pour y croire .

Magyd Cherfi le 27/10/2016 à 8h54
MAGYD CHERFI, chanteur

Dormir

Dormir comme on nous fait la courte échelle . Dormir comme déposé sur la lune . Comme on nous lance vers un ailleurs où l'amour est loi . Comme on nous jette par dessus l'arbre qui cache la misère d'en bas , dormir un peu pour y croire .

Magyd Cherfi le 27/10/2016 à 8h54

EMANUEL BOVET photographe « Dormir à la laide étoile …

Suite à cette expérience je n’aurai sans doute plus le même sentiment.

J’ai pu baroudé, connaître l’infortune, mais de me retrouver dans la peau d’un sans abri au ras du bitume, dans ce petit recoin de la ville, ne me mettra jamais à la place de celui qui en est contraint.

Je remercie Marc de m’avoir permis un instant l’immersion dans cette situation extraordinaire : le choc de l’ordinaire intolérable. » 
Rue des Pyrénées, à Paris le 12 octobre 2017 à 9h40
EMANUEL BOVET photographe

« Dormir à la laide étoile …

Suite à cette expérience je n’aurai sans doute plus le même sentiment.

J’ai pu baroudé, connaître l’infortune, mais de me retrouver dans la peau d’un sans abri au ras du bitume, dans ce petit recoin de la ville, ne me mettra jamais à la place de celui qui en est contraint.

Je remercie Marc de m’avoir permis un instant l’immersion dans cette situation extraordinaire : le choc de l’ordinaire intolérable. »
Rue des Pyrénées, à Paris le 12 octobre 2017 à 9h40

Michel MELKI, comédien ‟Les gens qui passent au dessus de ma tête ne me voient pas. J'ai les yeux fermés et j'entends leur pas, ils m'ignorent et pourtant, je suis un VIVANT comme eux. ‟.   

Photographié à Paris 17ème, le 13 avril 2019 à 8h03.
Michel MELKI, comédien

‟Les gens qui passent au dessus de ma tête ne me voient pas. J'ai les yeux fermés et j'entends leur pas, ils m'ignorent et pourtant, je suis un VIVANT comme eux. ‟.

Photographié à Paris 17ème, le 13 avril 2019 à 8h03.

SANSEVERINO, chanteur 
‟ Déjà de s'allonger dans une cabine téléphonique pour une photo ç'a fout des frissons… alors d' y coucher tout les soirs avec ses enfants j'imagine à peine la douleur et la honte que ca doit filer a une maman, un papa venu d'Europe de l'est ou de je ne sais de quel pays où on traite les roms comme des chiens ... Et ben ici c'est pareil.
Mais l argent dun pays comme la France ça doit servir à autre chose qu' à aider c'est ca ?
Non mais dites moi.... J' attends la réponse »

Sanseverino le 16/06/2014 à 7h20
SANSEVERINO, chanteur


‟ Déjà de s'allonger dans une cabine téléphonique pour une photo ç'a fout des frissons… alors d' y coucher tout les soirs avec ses enfants j'imagine à peine la douleur et la honte que ca doit filer a une maman, un papa venu d'Europe de l'est ou de je ne sais de quel pays où on traite les roms comme des chiens ... Et ben ici c'est pareil.
Mais l argent dun pays comme la France ça doit servir à autre chose qu' à aider c'est ca ?
Non mais dites moi.... J' attends la réponse »

Sanseverino le 16/06/2014 à 7h20

Guillaume Holsteyn  Vous n’aurez pas mon indifférence !
Parce que vous pourriez être mon frère ? Vous l’êtes. Parce que je pourrais être à votre place ? Je l’ai été. Non, vous n’aurez pas mon indifférence.
Misérables merveilles, que serait une société qui ne crée pas les conditions pour que chacun devienne libre, que tous se considèrent égaux et qu’ensemble nous fassions de la fraternité une réalité concrète ?
Vous n’aurez pas mon indifférence car je n’accepte pas une société qui refuse d’accueillir ceux qui viennent frapper à notre porte et dont nous avons besoin.
Vous n’aurez pas mon indifférence car je ne saurais accepter une république qui permet d’uriner dans
de l’eau potable mais interdit de donner à boire aux réfugiés à Calais.
Vous n’aurez pas mon indifférence car nous avons besoin de vous debout, pour construire une société d’hommes et de femmes debout !
Guillaume Holsteyn à Paris 12e, rue du Faubourg-Saint-Antoine, le 19 juin 2017, à 8 h 15
Guillaume Holsteyn

Vous n’aurez pas mon indifférence !
Parce que vous pourriez être mon frère ? Vous l’êtes. Parce que je pourrais être à votre place ? Je l’ai été. Non, vous n’aurez pas mon indifférence.
Misérables merveilles, que serait une société qui ne crée pas les conditions pour que chacun devienne libre, que tous se considèrent égaux et qu’ensemble nous fassions de la fraternité une réalité concrète ?
Vous n’aurez pas mon indifférence car je n’accepte pas une société qui refuse d’accueillir ceux qui viennent frapper à notre porte et dont nous avons besoin.
Vous n’aurez pas mon indifférence car je ne saurais accepter une république qui permet d’uriner dans
de l’eau potable mais interdit de donner à boire aux réfugiés à Calais.
Vous n’aurez pas mon indifférence car nous avons besoin de vous debout, pour construire une société d’hommes et de femmes debout !
Guillaume Holsteyn à Paris 12e, rue du Faubourg-Saint-Antoine, le 19 juin 2017, à 8 h 15

LAURENCE CÔTE actrice 
«  Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver.
Voilà un fait. En voulez-vous d’autres ? ...
Voilà pourquoi je suis pénétré, voilà pourquoi je voudrais pénétrer tous ceux qui m’écoutent de la haute importance de la proposition qui vous est soumise. Ce n’est qu’un premier pas, mais il est décisif. Je voudrais que cette assemblée, majorité et minorité, n’importe, je ne connais pas, moi de majorité et de minorité en de telles questions ; je voudrais que cette assemblée n’eût qu’une seule âme pour marcher à ce grand but, à ce but magnifique, à ce but sublime, l’abolition de la misère ! »

Victor Hugo - « Discours sur la misère» à l’Assemblée Nationale le 9 juillet 1849

Laurence Côte à Paris le 18 avril 2017
LAURENCE CÔTE actrice


« Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtement, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver.
Voilà un fait. En voulez-vous d’autres ? ...
Voilà pourquoi je suis pénétré, voilà pourquoi je voudrais pénétrer tous ceux qui m’écoutent de la haute importance de la proposition qui vous est soumise. Ce n’est qu’un premier pas, mais il est décisif. Je voudrais que cette assemblée, majorité et minorité, n’importe, je ne connais pas, moi de majorité et de minorité en de telles questions ; je voudrais que cette assemblée n’eût qu’une seule âme pour marcher à ce grand but, à ce but magnifique, à ce but sublime, l’abolition de la misère ! »

Victor Hugo - « Discours sur la misère» à l’Assemblée Nationale le 9 juillet 1849

Laurence Côte à Paris le 18 avril 2017


HELENE FILLIERES, actrice  ‟Sans domicile fixe, sans abri, sans papiers... Qu est ce que ça veut dire d autre que : sans identité. Sans rien donc. Invisible. 
Sous mes yeux l autre devient fantôme ? 
Stop. 
L autre c est moi. 
Stop à l indifférence.
Stop au laxisme des pouvoirs publics.
Stop au sadisme de grillager les abris, les ponts, les espaces vides.
Stop à l égoïsme des nantis qui refusent un centre d hébergement dans leur arrondissement.
Stop au mairies qui préfèrent payer une taxe plutôt qu’appliquer la loi sur leur quotas de logement sociaux. 
J ai honte.
C est aux pouvoirs publics de m ôter cette honte.
Exigeons de l action. Exigeons du civisme. 
Soutenons Exils Intra Muros sans hésitation.‟ 

Hélène Fillières, à Paris le 07/07/2016 à 7h56
HELENE FILLIERES, actrice

‟Sans domicile fixe, sans abri, sans papiers... Qu est ce que ça veut dire d autre que : sans identité. Sans rien donc. Invisible.
Sous mes yeux l autre devient fantôme ?
Stop.
L autre c est moi.
Stop à l indifférence.
Stop au laxisme des pouvoirs publics.
Stop au sadisme de grillager les abris, les ponts, les espaces vides.
Stop à l égoïsme des nantis qui refusent un centre d hébergement dans leur arrondissement.
Stop au mairies qui préfèrent payer une taxe plutôt qu’appliquer la loi sur leur quotas de logement sociaux. 
J ai honte.
C est aux pouvoirs publics de m ôter cette honte.
Exigeons de l action. Exigeons du civisme. 
Soutenons Exils Intra Muros sans hésitation.‟

Hélène Fillières, à Paris le 07/07/2016 à 7h56

MARJANE SATRAPI
MARJANE SATRAPI

BERTRAND BELIN, chanteur
BERTRAND BELIN, chanteur

DIDIER BEZACE Il faut en tâter, ne serait-ce que quelques minutes, du plancher de la cabine pour laisser son imagination voler vers ces gosses qui, chaque soir – ou plutôt chaque nuit, de peur qu’on les chasse –, se serrent les uns contre les autres pour essayer de dormir dans le fragile abri de verre où l’air froid s’in ltre entre la porte et les parois. Ils servent encore à ça, ces bocaux vitrés rendus inutiles par l’invasion des téléphones portables ; c’est une chance et un malheur puisqu’ils rendent possible l’insupportable.
Vous pouvez tenter l’expérience, c’est facile, vous prenez quelques cartons, une couverture et vous partez vers la cabine la plus proche, vous vous y enfermez
et tant bien que mal vous pliez votre corps comme le font ces mères qui accompagnent leurs enfants ; vous vous rendez invisible, si bien que les passants du petit matin ne vous verront même pas ou s’ils vous voient ne voudront pas s’étonner d’une tête enfantine émergeant d’un tas de cartons et de chiffons entremêlés. Le
jour efface ensuite les petits clandestins des abris téléphoniques, le jour est un menteur : il ne montre pas ce que cache la nuit...

Acteur, réalisateur, directeur de théâtre, à Paris 11e, boulevard Voltaire, le 3 octobre 2014, à 8 h 21
DIDIER BEZACE

Il faut en tâter, ne serait-ce que quelques minutes, du plancher de la cabine pour laisser son imagination voler vers ces gosses qui, chaque soir – ou plutôt chaque nuit, de peur qu’on les chasse –, se serrent les uns contre les autres pour essayer de dormir dans le fragile abri de verre où l’air froid s’in ltre entre la porte et les parois. Ils servent encore à ça, ces bocaux vitrés rendus inutiles par l’invasion des téléphones portables ; c’est une chance et un malheur puisqu’ils rendent possible l’insupportable.
Vous pouvez tenter l’expérience, c’est facile, vous prenez quelques cartons, une couverture et vous partez vers la cabine la plus proche, vous vous y enfermez
et tant bien que mal vous pliez votre corps comme le font ces mères qui accompagnent leurs enfants ; vous vous rendez invisible, si bien que les passants du petit matin ne vous verront même pas ou s’ils vous voient ne voudront pas s’étonner d’une tête enfantine émergeant d’un tas de cartons et de chiffons entremêlés. Le
jour efface ensuite les petits clandestins des abris téléphoniques, le jour est un menteur : il ne montre pas ce que cache la nuit...

Acteur, réalisateur, directeur de théâtre, à Paris 11e, boulevard Voltaire, le 3 octobre 2014, à 8 h 21

ElIETTE ABECASSIS, écrivaine Des enfants dorment dans la rue.

La situation est indigne de notre époque. Ce sont des visions d’un autre temps, ces enfants qui dorment à même le trottoir, dans des guenilles, parfois pieds nus. Ils s’appellent Alin, Théo, ou Elena… Mais ils pourraient s’appeler Gavroche. Leur mère, Maria ou Mariana, à moins que ce ne soit Cosette. Elle porte des sandales en plastique. Elle a froid, elle a faim, elle nourrit un bébé au sein.  Les gens passent devant eux comme s’ils n’existaient pas. Les Roms sont devenus les ennemis de la Société, ceux que tout le monde stigmatise, que tout le monde déteste, et l’on n’est pas gêné, quelque part, de les voir crever sur le trottoir. Ils sont semblables et ils sont différents. Ils sont errants. Ils ont leur mode de vie et leurs valeurs qui ne ressemblent pas aux nôtres.
Alors on les évacue. On les déloge, on les chasse, on les laisse crever sur le trottoir. Et on fête au champagne et foie gras la célébration de la naissance de Jésus. Devant eux, la plupart des passants ne s’arrête pas, d’autres les traitent de “salope” et de “sale ordure”, “retourne en Roumanie”.
Nous assistons à un phénomène inédit depuis des années ou peut-être des siècles: des enfants dormant sur le trottoir en plein hiver, y compris des enfants en bas âge, y compris des bébés. Parce que le gouvernement a décidé de raser leurs maisons –leurs baraques, leurs cahutes, leurs granges- avec des bulldozers et sans les reloger. Ils vivent en plein Paris, place de la République, à Saint-Germain des Prés ou à Bastille, dans les villes et les villages de France. Ils ne sont pas très nombreux, mais on leur a déclaré la guerre. Ils sont devenus l’ennemi à abattre.
Comme nous, ils ne sont pas tous bandits, mafieux ou exploiteurs d’enfants, ce sont simplement des gens que la société a décidé aujourd’hui de pourchasser. Comme l’illustre Michel Eltchaninoff, dans son article, “les Roms, une figure postmoderne”, les Roms représentent la figure de l’altérité, car nous ne les comprenons pas.
Alors Mariana dort sur le trottoir avec ses trois enfants, 6 ans, 3 ans et un bébé de un an en plein hiver. Elle n’a pas eu de place au 115. Ses enfants ne sont pas vaccinés, pas scolarisés, malnutris, elle voudrait un logement, et les mettre à l’école. Le petit garçon aux yeux illuminés crie avec joie “Scola!”
Heureusement dans cette période sombre de notre histoire, il y a de la lumière: des êtres humains ont créé des associations, comme l’association Aurore, dont le directeur est Eric Pliez, avec des “gens qui font leur travail”: Samir Baroualia, coordinateur de maraudes pour l’Ouest parisien, ou encore le Secours Catholique, avec Evangéline Masson-Diez, qui considèrent les Roms comme des êtres humains et sauvent des vies tous les jours, puisqu’il s’agit bien de cela. Les Restos du coeur donnent à manger à tous sans considération ethnique.

Il est inadmissible que dans notre pays des bébés dorment sur le trottoir.
Il est révoltant de raser les campements des Roms avec des bulldozers, sans les reloger.
Il est dangereux de stigmatiser les Roms, de les ranger dans des catégories et de les rejeter en disant qu’ils sont des voleurs et qu’ils ne veulent pas s’intégrer.
Nous sommes en train de perdre le sens le plus élémentaire de l’humanité, qui fait que l’on ne doit pas laisser un enfant dormir dans la rue.
Les destructions des abris de fortune de ces hommes, ces femmes et ces enfants, voués à dormir dans nos rues, dans nos parcs ou nos forêts, par des températures parfois négatives ou sous la pluie, sont une négation des droits inaliénables et sacrés de chaque être humain et de la dignité de la personne humaine. Et personne ou presque ne semble s’en émouvoir, en tous cas pas le gouvernement actuel, ni les mairies, et ceci en rupture complète avec les idéaux de la gauche, ainsi que de la Déclaration Universelle des droits de l’homme. La France est le cinquième pays le plus riche du monde. Qui oserait dire que nous ne pouvons trouver un toit pour quelques milliers de personnes échouées sur le bitume de nos villes? Des budgets pharaoniques sont débloqués pour reconstruire les quais de Paris alors que des bébés dorment sur le trottoir. Sommes-nous devenus à ce point fous?

La ville doit pouvoir loger ces familles, quelle que soit leur nationalité. La discrimination anti-Rom est intolérable. Ne pas les loger, les inciter à partir en les menaçant de placer leurs enfants, ou leur offrant un billet sans retour vers chez eux, même s’ils n’ont pas de chez eux. Raser leurs camps sans offrir de solution de relogement. Traiter ces quelques milliers de personnes comme si c’était l’urgence absolue car cela va résoudre le problème économique du pays. Tout cela n’est pas acceptable.
Bref : faut-il le dire ? Notre pays évolué ne peut pas se permettre de laisser des bébés dormir sur le trottoir.

Depuis quelques années, Marc Melki les photographie. Tous les matins, dès l’aube, il se lève, prend son appareil photo et il sort de chez lui. Il sait que ce ne sera pas facile; il a le coeur meurtri. Son regard s’est assombri, mais son cœur par lequel il exerce son œil, reste intact. Il accomplit sa mission sans faillir. Il y a des moments de découragements, de lassitude. Il y a des visions insupportables qui lui donnent envie de pleurer et de tout arrêter, comme cette femme qui allaite son bébé, seule, recroquevillée dans le froid, sur la place de la République. Il y a des moments où il a envie de hurler. Et c’est avec son appareil photo qu’il le fait.

Pour ne pas les gêner, il les immortalise dans leur seul moment paisible; une cabine téléphonique, sur des cartons, ou contre un coin de mur. Ceux qu’on a délogés, ceux qui n’ont plus le droit d’être ici, ceux qui n’ont plus le droit d’être: il leur redonne un visage, une identité, une dignité, par l’alchimie de l’art. L’art, c’est la vérité. La seule vérité, sans doute. Même quand elle est indicible.  Sous son regard, ils sont beaux, éternellement beaux. Ils sont rendus à leur humanité.


Eliette Abécassis
ElIETTE ABECASSIS, écrivaine

Des enfants dorment dans la rue.

La situation est indigne de notre époque. Ce sont des visions d’un autre temps, ces enfants qui dorment à même le trottoir, dans des guenilles, parfois pieds nus. Ils s’appellent Alin, Théo, ou Elena… Mais ils pourraient s’appeler Gavroche. Leur mère, Maria ou Mariana, à moins que ce ne soit Cosette. Elle porte des sandales en plastique. Elle a froid, elle a faim, elle nourrit un bébé au sein.  Les gens passent devant eux comme s’ils n’existaient pas. Les Roms sont devenus les ennemis de la Société, ceux que tout le monde stigmatise, que tout le monde déteste, et l’on n’est pas gêné, quelque part, de les voir crever sur le trottoir. Ils sont semblables et ils sont différents. Ils sont errants. Ils ont leur mode de vie et leurs valeurs qui ne ressemblent pas aux nôtres.
Alors on les évacue. On les déloge, on les chasse, on les laisse crever sur le trottoir. Et on fête au champagne et foie gras la célébration de la naissance de Jésus. Devant eux, la plupart des passants ne s’arrête pas, d’autres les traitent de “salope” et de “sale ordure”, “retourne en Roumanie”.
Nous assistons à un phénomène inédit depuis des années ou peut-être des siècles: des enfants dormant sur le trottoir en plein hiver, y compris des enfants en bas âge, y compris des bébés. Parce que le gouvernement a décidé de raser leurs maisons –leurs baraques, leurs cahutes, leurs granges- avec des bulldozers et sans les reloger. Ils vivent en plein Paris, place de la République, à Saint-Germain des Prés ou à Bastille, dans les villes et les villages de France. Ils ne sont pas très nombreux, mais on leur a déclaré la guerre. Ils sont devenus l’ennemi à abattre.
Comme nous, ils ne sont pas tous bandits, mafieux ou exploiteurs d’enfants, ce sont simplement des gens que la société a décidé aujourd’hui de pourchasser. Comme l’illustre Michel Eltchaninoff, dans son article, “les Roms, une figure postmoderne”, les Roms représentent la figure de l’altérité, car nous ne les comprenons pas.
Alors Mariana dort sur le trottoir avec ses trois enfants, 6 ans, 3 ans et un bébé de un an en plein hiver. Elle n’a pas eu de place au 115. Ses enfants ne sont pas vaccinés, pas scolarisés, malnutris, elle voudrait un logement, et les mettre à l’école. Le petit garçon aux yeux illuminés crie avec joie “Scola!”
Heureusement dans cette période sombre de notre histoire, il y a de la lumière: des êtres humains ont créé des associations, comme l’association Aurore, dont le directeur est Eric Pliez, avec des “gens qui font leur travail”: Samir Baroualia, coordinateur de maraudes pour l’Ouest parisien, ou encore le Secours Catholique, avec Evangéline Masson-Diez, qui considèrent les Roms comme des êtres humains et sauvent des vies tous les jours, puisqu’il s’agit bien de cela. Les Restos du coeur donnent à manger à tous sans considération ethnique.

Il est inadmissible que dans notre pays des bébés dorment sur le trottoir.
Il est révoltant de raser les campements des Roms avec des bulldozers, sans les reloger.
Il est dangereux de stigmatiser les Roms, de les ranger dans des catégories et de les rejeter en disant qu’ils sont des voleurs et qu’ils ne veulent pas s’intégrer.
Nous sommes en train de perdre le sens le plus élémentaire de l’humanité, qui fait que l’on ne doit pas laisser un enfant dormir dans la rue.
Les destructions des abris de fortune de ces hommes, ces femmes et ces enfants, voués à dormir dans nos rues, dans nos parcs ou nos forêts, par des températures parfois négatives ou sous la pluie, sont une négation des droits inaliénables et sacrés de chaque être humain et de la dignité de la personne humaine. Et personne ou presque ne semble s’en émouvoir, en tous cas pas le gouvernement actuel, ni les mairies, et ceci en rupture complète avec les idéaux de la gauche, ainsi que de la Déclaration Universelle des droits de l’homme. La France est le cinquième pays le plus riche du monde. Qui oserait dire que nous ne pouvons trouver un toit pour quelques milliers de personnes échouées sur le bitume de nos villes? Des budgets pharaoniques sont débloqués pour reconstruire les quais de Paris alors que des bébés dorment sur le trottoir. Sommes-nous devenus à ce point fous?

La ville doit pouvoir loger ces familles, quelle que soit leur nationalité. La discrimination anti-Rom est intolérable. Ne pas les loger, les inciter à partir en les menaçant de placer leurs enfants, ou leur offrant un billet sans retour vers chez eux, même s’ils n’ont pas de chez eux. Raser leurs camps sans offrir de solution de relogement. Traiter ces quelques milliers de personnes comme si c’était l’urgence absolue car cela va résoudre le problème économique du pays. Tout cela n’est pas acceptable.
Bref : faut-il le dire ? Notre pays évolué ne peut pas se permettre de laisser des bébés dormir sur le trottoir.

Depuis quelques années, Marc Melki les photographie. Tous les matins, dès l’aube, il se lève, prend son appareil photo et il sort de chez lui. Il sait que ce ne sera pas facile; il a le coeur meurtri. Son regard s’est assombri, mais son cœur par lequel il exerce son œil, reste intact. Il accomplit sa mission sans faillir. Il y a des moments de découragements, de lassitude. Il y a des visions insupportables qui lui donnent envie de pleurer et de tout arrêter, comme cette femme qui allaite son bébé, seule, recroquevillée dans le froid, sur la place de la République. Il y a des moments où il a envie de hurler. Et c’est avec son appareil photo qu’il le fait.

Pour ne pas les gêner, il les immortalise dans leur seul moment paisible; une cabine téléphonique, sur des cartons, ou contre un coin de mur. Ceux qu’on a délogés, ceux qui n’ont plus le droit d’être ici, ceux qui n’ont plus le droit d’être: il leur redonne un visage, une identité, une dignité, par l’alchimie de l’art. L’art, c’est la vérité. La seule vérité, sans doute. Même quand elle est indicible.  Sous son regard, ils sont beaux, éternellement beaux. Ils sont rendus à leur humanité.


Eliette Abécassis



FRANÇOIS MOREL  Acteur, scénariste et chanteur

‟Il était un petit homme Pirouette cacahuète, Il était un petit homme qui avait une drôle de maison, qui avait une drôle de maison… Sa maison est un carton Pirouette cacahuète, sa maison est un carton, au dessus d'une bouche d'aération, au dessus d'une bouche d'aération … ‟
FRANÇOIS MOREL

Acteur, scénariste et chanteur

‟Il était un petit homme Pirouette cacahuète, Il était un petit homme qui avait une drôle de maison, qui avait une drôle de maison… Sa maison est un carton Pirouette cacahuète, sa maison est un carton, au dessus d'une bouche d'aération, au dessus d'une bouche d'aération … ‟

CELHIA DE LAVARENE journaliste Je me suis allongée sur le lit de fortune que m’avait confectionné Marc Melki, le photographe. J’ai fermé les yeux et j’ai tenté de me mettre dans la peau de ces êtres qui n’ont plus rien. Très vite, des images ont afflué : images de personnes rencontrées lors des missions que j’effectuais pour l’ONU dans des pays en conflit. Images de populations forcées de quitter leurs maisons, leurs pays, chassées par des guerres qui les dépassent. Images que je pensais oubliées mais qui étaient toujours présentes. J’ai eu du mal à garder les yeux fermés tant l’angoisse me submergeait. Et j’ai
eu envie de pleurer à l’idée de tous ceux, Français ou étrangers, que nous traitons si mal et que nous laissons vivre dans l’indignité, alors que nous sommes le pays des droits humains.

A Paris 1er, 3, rue des Halles, le 2 août 2017, à 10 h 23
CELHIA DE LAVARENE journaliste

Je me suis allongée sur le lit de fortune que m’avait confectionné Marc Melki, le photographe. J’ai fermé les yeux et j’ai tenté de me mettre dans la peau de ces êtres qui n’ont plus rien. Très vite, des images ont afflué : images de personnes rencontrées lors des missions que j’effectuais pour l’ONU dans des pays en conflit. Images de populations forcées de quitter leurs maisons, leurs pays, chassées par des guerres qui les dépassent. Images que je pensais oubliées mais qui étaient toujours présentes. J’ai eu du mal à garder les yeux fermés tant l’angoisse me submergeait. Et j’ai
eu envie de pleurer à l’idée de tous ceux, Français ou étrangers, que nous traitons si mal et que nous laissons vivre dans l’indignité, alors que nous sommes le pays des droits humains.

A Paris 1er, 3, rue des Halles, le 2 août 2017, à 10 h 23

Areski Belkacem La la la… 

- Areski ! 
- Qu'est-ce qu'il y a ? 
- T'as pas entendu un truc bizarre …
- Là je voulais savoir… Tout l'immeuble, il est en train de brûler, c'est bien ça ? 
- Mais oui, écoute. Les matières qui ont servi à la construction de cet immeuble sont très fragiles. Tu comprends ? 
- Oui. 
- C'est normal parce que de toutes façons il n'y a que des familles d'ouvriers et des étrangers et quelques improductifs. 
- Oui. 
- Alors le feu s'empare très facilement des matières. 
- Ouais. 
- Ça se propage. Nous sommes donc en présence d'un incendie. 

Brigitte Fontaine/Areski Belkacem ‟ C'est normal‟
Areski Belkacem

La la la…

- Areski !
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- T'as pas entendu un truc bizarre …
- Là je voulais savoir… Tout l'immeuble, il est en train de brûler, c'est bien ça ?
- Mais oui, écoute. Les matières qui ont servi à la construction de cet immeuble sont très fragiles. Tu comprends ?
- Oui.
- C'est normal parce que de toutes façons il n'y a que des familles d'ouvriers et des étrangers et quelques improductifs.
- Oui.
- Alors le feu s'empare très facilement des matières.
- Ouais.
- Ça se propage. Nous sommes donc en présence d'un incendie.

Brigitte Fontaine/Areski Belkacem ‟ C'est normal‟

NATACHA RÉGNIER, actrice 
‟Depuis longtemps, je me pose la question, à chaque nouveau sans domicile fixe que je croise.
Qu’est-ce qui a fait pour qu'il ou elle se retrouve là ?
Quel est le début du basculement?
Une rupture, une dépression, un emprunt qu'on ne peut plus rembourser, un métier qui s'exerce jeune et une difficulté à se reconvertir, un décès, ...?
Ça me tord les boyaux !
Je me suis toujours dit que ce genre de bascule peut arriver bien plus vite qu'on ne peut l'imaginer et ça me fait une grande peine.
Ce qui se passe dans le monde avec la paupérisation des classes moyennes, l'enrichissement des grands patrons, la politique des banques, l'isolement de certaines familles monoparentales, les guerres et les flux migratoires, cela empire de manière exponentielle.
On voit de plus en plus, dans la rue, des femmes seule avec des bébés ou des familles avec enfants.
On ne peut plus rester sans rien faire. » 

Natacha Régnier le 06/06/2016 à 10h20
NATACHA RÉGNIER, actrice


‟Depuis longtemps, je me pose la question, à chaque nouveau sans domicile fixe que je croise.
Qu’est-ce qui a fait pour qu'il ou elle se retrouve là ?
Quel est le début du basculement?
Une rupture, une dépression, un emprunt qu'on ne peut plus rembourser, un métier qui s'exerce jeune et une difficulté à se reconvertir, un décès, ...?
Ça me tord les boyaux !
Je me suis toujours dit que ce genre de bascule peut arriver bien plus vite qu'on ne peut l'imaginer et ça me fait une grande peine.
Ce qui se passe dans le monde avec la paupérisation des classes moyennes, l'enrichissement des grands patrons, la politique des banques, l'isolement de certaines familles monoparentales, les guerres et les flux migratoires, cela empire de manière exponentielle.
On voit de plus en plus, dans la rue, des femmes seule avec des bébés ou des familles avec enfants.
On ne peut plus rester sans rien faire. »

Natacha Régnier le 06/06/2016 à 10h20

GARANCE CLAVEL, comédienne ‟ Et si c’était vous ? Mais c'est presque déjà nous ! 
Encore que je ne peux me plaindre je suis rentrée chez moi après la photo. 8h du matin le sol, ce fameux sol qui n'est pas le même partout est froid et me glace les genoux. Je n'ose penser encore à ce qui m'éveille tous les matins: Stalingrad… Et pas que. Le plus troublant est le bruit indifférent de la ville. Il est 8h, allongée les yeux fermés j'entend des voix, vont-elles s'arrêter ? Non évidemment, c'est tellement banal quelqu'un perdu dans la rue. Et pourtant ô miracle inattendu, un homme s'approche et dit à Marc, le photographe : « nan mais vous aimeriez vous que l'on vous photographie dans cette situation? » Ouf ! Quand même un peu de dignité… Et en rentrant : terreur sur le pont d’ Austerlitz un enfant seul les bras en croix dort profondément sur le pont … Je suis terrifiée mais surtout je ne comprend pas , la vie c'était sérieux …? 
‟

Garance Clavel le 25/04/2016 à 8:22
GARANCE CLAVEL, comédienne

‟ Et si c’était vous ? Mais c'est presque déjà nous !
Encore que je ne peux me plaindre je suis rentrée chez moi après la photo. 8h du matin le sol, ce fameux sol qui n'est pas le même partout est froid et me glace les genoux. Je n'ose penser encore à ce qui m'éveille tous les matins: Stalingrad… Et pas que. Le plus troublant est le bruit indifférent de la ville. Il est 8h, allongée les yeux fermés j'entend des voix, vont-elles s'arrêter ? Non évidemment, c'est tellement banal quelqu'un perdu dans la rue. Et pourtant ô miracle inattendu, un homme s'approche et dit à Marc, le photographe : « nan mais vous aimeriez vous que l'on vous photographie dans cette situation? » Ouf ! Quand même un peu de dignité… Et en rentrant : terreur sur le pont d’ Austerlitz un enfant seul les bras en croix dort profondément sur le pont … Je suis terrifiée mais surtout je ne comprend pas , la vie c'était sérieux …?


Garance Clavel le 25/04/2016 à 8:22




GENEVIEVE GARRIGOS ‟Être dépossédée de ce que je n'ai pas.
On s'allonge gauchement. On ferme les yeux. Le premier choc est olfactif.Poussière sèche, feuilles mortes, essence, goudron. Le nez sur le trottoir, la rue n'a plus la même odeur. Le froid pénètre les interstices, il mord. Puis les bruits. Celui des voitures qui glissent sur la chaussée, les pavés. Les motos plus légères, les bus qui soupirent. On les sent si proches.On se recroqueville encore davantage. La cabine téléphonique est de plus en plus grande. Enfin, les bruits de ceux qui passent, qui regardent mais ne s'arrêtent pas. On les imagine et ils deviennent réels. Un voisin ?

Une personne qui me connaît, que je connais ? Et là tout bascule. On sort de l'expérimentation, de l'exploration. La honte s'insinue poussée par les préjugés que nous combattons mais qui restent tapis, prêts à resurgir. Honte que de me voir couchée on puisse déduire que je n'ai pas su ou eu la force de m'accrocher au monde de ceux qui se lèvent pour travailler, ont un salaire, un toit. De n'avoir plus personne pour m'aider, me soutenir. D' être condamnée à mourir de la violence de la rue. Cela ne pourrait être que le fruit de mes faiblesses. 

Ce matin, avant de venir j'ai pris une douche. J'ai mis des vêtements propres. Je m'accroche à ce souvenir pour échapper à la déshumanisation que me renvoient les pas résonnants sur le trottoir sans même ralentir. Je suis là mais je n' existe déjà plus. Je voudrais me lever et hurler, ‟non ce n'est pas, c'est pour la photo‟. Mais si demain je n'avais plus rien, si ma vie basculait saurais-je comment continuer à flotter ? En aurais je la force ? La volonté ? Une voiture s'arrête. Une portière claque. Des pas. 

La peur remplace la honte. Peur des policiers qui viendraient m'extraire de force. Peur d' être agressée, rouée de coups car rien ne peut me protéger. Je m'accroche à la mince couverture qui ne peut me servir de bouclier. Être dépossédée de ce que je n'ai pas, violenter parce que femme, humiliée car si démunie. Abandonnée. Les pas s'éloigne et je me surprend à me sentir soulagée. Comment vit-on la rue, la peur, la faim ? D'autres pas s'arrêtent, tout près. Je ne vois pas mais je sens une présence, un regard. J'entend une voix, étrangère, impatiente. De femme. 

J'ouvre les yeux et je découvre une vieille dame qui, inquiète de me voir couchée, de voir un homme me photographier à mon insu, l'interpelle et veut ouvrir la cabine. Cette femme soulagée de me voir me lever et lui sourire, cette femme qui porte en elle l'humanité de la rue, cette femme est une grand-mère rom. »

Geneviève Garrigos, photographiée à Paris le 10/11/2014 à 9:03
GENEVIEVE GARRIGOS

‟Être dépossédée de ce que je n'ai pas.
On s'allonge gauchement. On ferme les yeux. Le premier choc est olfactif.Poussière sèche, feuilles mortes, essence, goudron. Le nez sur le trottoir, la rue n'a plus la même odeur. Le froid pénètre les interstices, il mord. Puis les bruits. Celui des voitures qui glissent sur la chaussée, les pavés. Les motos plus légères, les bus qui soupirent. On les sent si proches.On se recroqueville encore davantage. La cabine téléphonique est de plus en plus grande. Enfin, les bruits de ceux qui passent, qui regardent mais ne s'arrêtent pas. On les imagine et ils deviennent réels. Un voisin ?

Une personne qui me connaît, que je connais ? Et là tout bascule. On sort de l'expérimentation, de l'exploration. La honte s'insinue poussée par les préjugés que nous combattons mais qui restent tapis, prêts à resurgir. Honte que de me voir couchée on puisse déduire que je n'ai pas su ou eu la force de m'accrocher au monde de ceux qui se lèvent pour travailler, ont un salaire, un toit. De n'avoir plus personne pour m'aider, me soutenir. D' être condamnée à mourir de la violence de la rue. Cela ne pourrait être que le fruit de mes faiblesses. 

Ce matin, avant de venir j'ai pris une douche. J'ai mis des vêtements propres. Je m'accroche à ce souvenir pour échapper à la déshumanisation que me renvoient les pas résonnants sur le trottoir sans même ralentir. Je suis là mais je n' existe déjà plus. Je voudrais me lever et hurler, ‟non ce n'est pas, c'est pour la photo‟. Mais si demain je n'avais plus rien, si ma vie basculait saurais-je comment continuer à flotter ? En aurais je la force ? La volonté ? Une voiture s'arrête. Une portière claque. Des pas. 

La peur remplace la honte. Peur des policiers qui viendraient m'extraire de force. Peur d' être agressée, rouée de coups car rien ne peut me protéger. Je m'accroche à la mince couverture qui ne peut me servir de bouclier. Être dépossédée de ce que je n'ai pas, violenter parce que femme, humiliée car si démunie. Abandonnée. Les pas s'éloigne et je me surprend à me sentir soulagée. Comment vit-on la rue, la peur, la faim ? D'autres pas s'arrêtent, tout près. Je ne vois pas mais je sens une présence, un regard. J'entend une voix, étrangère, impatiente. De femme. 

J'ouvre les yeux et je découvre une vieille dame qui, inquiète de me voir couchée, de voir un homme me photographier à mon insu, l'interpelle et veut ouvrir la cabine. Cette femme soulagée de me voir me lever et lui sourire, cette femme qui porte en elle l'humanité de la rue, cette femme est une grand-mère rom. »

Geneviève Garrigos, photographiée à Paris le 10/11/2014 à 9:03



GilBERT MELKI, acteur
GilBERT MELKI, acteur

Carine PETIT Maire du 14e  « Je ne suis pas à l'abri d'être, un jour, sans-abris. Combattre l'indifférence par les actes. »  

Carine Petit Maire du 14e arrondissement de Paris le 29/11/2016 à 8h52
Carine PETIT Maire du 14e

« Je ne suis pas à l'abri d'être, un jour, sans-abris. Combattre l'indifférence par les actes. »

Carine Petit Maire du 14e arrondissement de Paris le 29/11/2016 à 8h52

IMBERT IMBERT Chanteur ‟D'abord, cette odeur de pisse. J'avais pas pensé à ça. J'ai fermé les yeux, et petit à petit elle s'est atténuée. On s'habitue. Je me suis demandé si les enfants aussi finissent par s'en accommoder…Cette idée m'a tellement foutu les boules que j'ai rouvert les yeux et le battement de mes cils a suffi à la faire revenir. Ouf, j'étais sauvé, je regardais le monde en face et c'est pas beau à voir, mais je ne m'en accommodais plus et c'est le début de la dignité.‟ 


Mathias IMBERT le 17/09/2014 à 7h59
IMBERT IMBERT Chanteur

‟D'abord, cette odeur de pisse. J'avais pas pensé à ça. J'ai fermé les yeux, et petit à petit elle s'est atténuée. On s'habitue. Je me suis demandé si les enfants aussi finissent par s'en accommoder…Cette idée m'a tellement foutu les boules que j'ai rouvert les yeux et le battement de mes cils a suffi à la faire revenir. Ouf, j'étais sauvé, je regardais le monde en face et c'est pas beau à voir, mais je ne m'en accommodais plus et c'est le début de la dignité.‟


Mathias IMBERT le 17/09/2014 à 7h59

JEROME GIUSTI, avocat ‟La rue, lit d’injustice. Nid de luttes. Couché là, j’entends ces pas d’indifférence. Ces klaxons d’égoïsme.
Ce que je vis maintenant affecte ma personne. Mais durcit notre combat collectif.‟ 

Jérôme Giusti le 13/04/2016 à 8h21 
avocat, président de Droits d’Urgence, le droit d’être quelqu’un.
JEROME GIUSTI, avocat

‟La rue, lit d’injustice. Nid de luttes. Couché là, j’entends ces pas d’indifférence. Ces klaxons d’égoïsme.
Ce que je vis maintenant affecte ma personne. Mais durcit notre combat collectif.‟

Jérôme Giusti le 13/04/2016 à 8h21
avocat, président de Droits d’Urgence, le droit d’être quelqu’un.


JOHN-PAUL LEPERS, journaliste
JOHN-PAUL LEPERS, journaliste

JULIETTE MEADEL « Cher Marc Melki,
Je veux rendre hommage à votre travail et à votre engagement, essentiels.
Votre œuvre est une interpellation ô combien nécessaire, pour faire voir et entendre qu’au coin de nos rues, dans les bouches de métro, dans les halls de gare, survivent des femmes, des hommes, des enfants, qui n’ont nulle part où dormir. Ils subissent le froid, la faim, la misère, la solitude, la violence et l’indifférence. Vos photos sont le miroir de cette réalité. Elles fixent nos regards sur la détresse et le dénuement. Cette réalité dont nous détournons les yeux, par gêne, par malaise, parce que nous ne savons pas toujours comment faire, comment agir, que dire face à cette situation injuste ?
Cette injustice criante a désormais son représentant . Vous Marc MELKI. Je veux vous rendre hommage. Votre ténacité et votre volonté sont précieux. 

Au fond, ce qui importe dans votre œuvre, ce ne sont pas tant vos photographies en tant qu’objets, ou nos visages en tant qu’incarnation de la misère, que ce qu’elle crée, que ce qu’elle transmet.
Un message de solidarité avec ces victimes de tous les jours, ces oubliés du quotidien. Un devoir de fraternité et une obligation d’agir, individuellement et collectivement. C’est le sens que j’ai toujours voulu donner à mon engagement public, et c’est pourquoi j’ai été touchée par votre projet. Lorsque les discours ne suffisent plus, l’art et la politique se doivent d’être le reflet de la société.
Merci cher Marc Melki, d’avoir mis en lumière ceux que l’on ne veut plus voir, ceux dont on ne parle plus, ceux dont on ne s’émeut plus. Plus que jamais, gardons à l’esprit la pensée de Saint-Exupéry : « Être homme, c’est précisément être responsable, c’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. »
» Juliette MEADEL, secrétaire d'Etat aux victimes.
JULIETTE MEADEL

« Cher Marc Melki,
Je veux rendre hommage à votre travail et à votre engagement, essentiels.
Votre œuvre est une interpellation ô combien nécessaire, pour faire voir et entendre qu’au coin de nos rues, dans les bouches de métro, dans les halls de gare, survivent des femmes, des hommes, des enfants, qui n’ont nulle part où dormir. Ils subissent le froid, la faim, la misère, la solitude, la violence et l’indifférence. Vos photos sont le miroir de cette réalité. Elles fixent nos regards sur la détresse et le dénuement. Cette réalité dont nous détournons les yeux, par gêne, par malaise, parce que nous ne savons pas toujours comment faire, comment agir, que dire face à cette situation injuste ?
Cette injustice criante a désormais son représentant . Vous Marc MELKI. Je veux vous rendre hommage. Votre ténacité et votre volonté sont précieux.

Au fond, ce qui importe dans votre œuvre, ce ne sont pas tant vos photographies en tant qu’objets, ou nos visages en tant qu’incarnation de la misère, que ce qu’elle crée, que ce qu’elle transmet.
Un message de solidarité avec ces victimes de tous les jours, ces oubliés du quotidien. Un devoir de fraternité et une obligation d’agir, individuellement et collectivement. C’est le sens que j’ai toujours voulu donner à mon engagement public, et c’est pourquoi j’ai été touchée par votre projet. Lorsque les discours ne suffisent plus, l’art et la politique se doivent d’être le reflet de la société.
Merci cher Marc Melki, d’avoir mis en lumière ceux que l’on ne veut plus voir, ceux dont on ne parle plus, ceux dont on ne s’émeut plus. Plus que jamais, gardons à l’esprit la pensée de Saint-Exupéry : « Être homme, c’est précisément être responsable, c’est connaître la honte en face d’une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. »
» Juliette MEADEL, secrétaire d'Etat aux victimes.

LEILA KADDOUR BOUDADI Journaliste
LEILA KADDOUR BOUDADI

Journaliste

YOLANDE MOREAU, actrice
YOLANDE MOREAU, actrice

Mourad MUSSET et Julie SORBET Désastre contemporain
Ça fait quoi de s'abriter dans une cabine? Y chercher un peu d'intimité et de chaleur ça fait quoi? Avoir le trottoir pour matelas, sentir le métro passer sous sa tête, essayer de dormir avec le bruit des voitures en berceuse, chercher une position confortable, ne pas la trouver, se retourner et voir les pieds des passants indifférents ou impuissants, ça fait quoi?
Et qu'est-ce que tu dis à l'enfant qui dort avec toi?
On va faire un grand jeu
Celui du pays ou l'on devait vivre mieux, parce qu'on en a les moyens, au lieu de faire la politique du thermomètre en hiver et de les loger au cas par cas, prévoir toute l'année un accueil pour les Roms et les délaissés, les enfants en priorité, réveillons-nous, il y a de la place pour tout le monde.


Mourad Musset (LA RUE KÉTANOU) et Julie Sauret le 22/07/2014 à 8h38
Mourad MUSSET et Julie SORBET

Désastre contemporain
Ça fait quoi de s'abriter dans une cabine? Y chercher un peu d'intimité et de chaleur ça fait quoi? Avoir le trottoir pour matelas, sentir le métro passer sous sa tête, essayer de dormir avec le bruit des voitures en berceuse, chercher une position confortable, ne pas la trouver, se retourner et voir les pieds des passants indifférents ou impuissants, ça fait quoi?
Et qu'est-ce que tu dis à l'enfant qui dort avec toi?
On va faire un grand jeu
Celui du pays ou l'on devait vivre mieux, parce qu'on en a les moyens, au lieu de faire la politique du thermomètre en hiver et de les loger au cas par cas, prévoir toute l'année un accueil pour les Roms et les délaissés, les enfants en priorité, réveillons-nous, il y a de la place pour tout le monde.


Mourad Musset (LA RUE KÉTANOU) et Julie Sauret le 22/07/2014 à 8h38

RIDAN, chanteur ‟Franchement, ça fait pas du bien ! 
...Le regard des gens...
Franchement certains politiques devraient vivre l'expérience pour s'en rendre compte, ça rendrait les choses plus dynamiques.
Ca reste une expérience, mais du coup tu prends la dimension de ceux, 
des gens pour qui ce n' est pas une expérience, mais juste la réalité.
Franchement je savais que j'allais me réveiller et que j'allais me barrer. 
Donc ça allait encore...
Mais j'essayais de me dire, que si je devais rester juste là pour de vrai et pour je ne sais pas combien de temps...?
Tu as une sensation d'enfermement cérébral en plein air.
Franchement c'est un sale trip ! ‟


RIDAN le 23/10/2014, à 8h40 place de la République à Paris.
RIDAN, chanteur

‟Franchement, ça fait pas du bien !
...Le regard des gens...
Franchement certains politiques devraient vivre l'expérience pour s'en rendre compte, ça rendrait les choses plus dynamiques.
Ca reste une expérience, mais du coup tu prends la dimension de ceux,
des gens pour qui ce n' est pas une expérience, mais juste la réalité.
Franchement je savais que j'allais me réveiller et que j'allais me barrer.
Donc ça allait encore...
Mais j'essayais de me dire, que si je devais rester juste là pour de vrai et pour je ne sais pas combien de temps...?
Tu as une sensation d'enfermement cérébral en plein air.
Franchement c'est un sale trip ! ‟


RIDAN le 23/10/2014, à 8h40 place de la République à Paris.

SOPHIE FILLIÈRES, réalisatrice 
‟Allongée sur le sol, j'ai pensé à l'asphalte sous les bouts de cartons, j'ai pensé à la circulation des voitures tout près si bruyante, dévorante, j'ai pensé à la faim qui tout le temps les tenaille, et le froid l'hiver, ceux qui dorment vraiment dehors, ceux qui vraiment n'ont pas de lieu, ne sont pas accueillis, sont rejetés même, ou qui deviennent transparents. J'ai pensé qu'on m'éviterait pour ne pas me marcher dessus, rien de plus. J'ai pensé ils sont fragiles et on les fragilise davantage encore, encore.‟


Sophie Fillières le 13/06/2016 à 8h16
SOPHIE FILLIÈRES, réalisatrice


‟Allongée sur le sol, j'ai pensé à l'asphalte sous les bouts de cartons, j'ai pensé à la circulation des voitures tout près si bruyante, dévorante, j'ai pensé à la faim qui tout le temps les tenaille, et le froid l'hiver, ceux qui dorment vraiment dehors, ceux qui vraiment n'ont pas de lieu, ne sont pas accueillis, sont rejetés même, ou qui deviennent transparents. J'ai pensé qu'on m'éviterait pour ne pas me marcher dessus, rien de plus. J'ai pensé ils sont fragiles et on les fragilise davantage encore, encore.‟


Sophie Fillières le 13/06/2016 à 8h16

CHRISTOPHE LOUIS Directeur de l'association Les Enfants du Canal
 ‟3° degrés ce matin à Paris, allongé dans cette borne autolib, je ne peux m’empêcher de penser à ces hommes, Momo, Robert, Jean Pierre …., rencontrés régulièrement dans la rue. Ils vivaient dans des espaces similaires pour s’abriter la nuit. Ce matin je vis brièvement cette condition à l’initiative de Marc. Au début on se dit, protégé, être au chaud, puis minute après minute le froid m’entoure, les pieds, les bras, le corps, j’imagine ces gars qui endurent le froid au quotidien. Quelques minutes pour moi, des heures et des heures pour eux. On cherche la meilleurs position pour lutter contre le froid. Ces cabines téléphoniques, ces bornes autolib, ces halls d’immeubles …, le moindre espace abrité du vent, de la pluie offre un temps de répit à ces vies malmenées, nous passons devant dans l’indifférence, sans penser, sans voir que certains en ont fait leur résidence. Vivre à la rue on en meurt !‟ 

CHRISTOPHE LOUIS, directeur Les Enfants Du Canal à Paris le 07/03/2016, 9h03.
CHRISTOPHE LOUIS

Directeur de l'association Les Enfants du Canal
‟3° degrés ce matin à Paris, allongé dans cette borne autolib, je ne peux m’empêcher de penser à ces hommes, Momo, Robert, Jean Pierre …., rencontrés régulièrement dans la rue. Ils vivaient dans des espaces similaires pour s’abriter la nuit. Ce matin je vis brièvement cette condition à l’initiative de Marc. Au début on se dit, protégé, être au chaud, puis minute après minute le froid m’entoure, les pieds, les bras, le corps, j’imagine ces gars qui endurent le froid au quotidien. Quelques minutes pour moi, des heures et des heures pour eux. On cherche la meilleurs position pour lutter contre le froid. Ces cabines téléphoniques, ces bornes autolib, ces halls d’immeubles …, le moindre espace abrité du vent, de la pluie offre un temps de répit à ces vies malmenées, nous passons devant dans l’indifférence, sans penser, sans voir que certains en ont fait leur résidence. Vivre à la rue on en meurt !‟

CHRISTOPHE LOUIS, directeur Les Enfants Du Canal à Paris le 07/03/2016, 9h03.

Thomas GUÉNOLÉ politologue  « A un extrême la totale opulence, à l’autre le total dénuement.
C’est obscène. Obscène. »  

Thomas Guénolé le 15/11/2016 à 8h32
Thomas GUÉNOLÉ politologue

« A un extrême la totale opulence, à l’autre le total dénuement.
C’est obscène. Obscène. »  

Thomas Guénolé le 15/11/2016 à 8h32


YVAN LE BOLLOC'H, acteur ‟Ma mère d’ autrefois, ma mère des guimbardes
ma mère sans pays qui marchez dans mon sang
pourquoi m’ avoir jeté hors des sorcelleries
pour me laisser mourrir sur un vieux sol flamand 
comme un loup attaché au seuil des bergeries ?
Texte d'Andréee Sodenkamp

YVAN LE BOLLOC'H à Paris le 10 septembre 2014  à 9h30
YVAN LE BOLLOC'H, acteur

‟Ma mère d’ autrefois, ma mère des guimbardes
ma mère sans pays qui marchez dans mon sang
pourquoi m’ avoir jeté hors des sorcelleries
pour me laisser mourrir sur un vieux sol flamand
comme un loup attaché au seuil des bergeries ?
Texte d'Andréee Sodenkamp

YVAN LE BOLLOC'H à Paris le 10 septembre 2014 à 9h30

AGLAE BORY, photographe  
‟Je me suis allongée par terre et j'ai fermé les yeux. Je me suis sentie traversée, à tous les vents. Dans une immense vulnérabilité. J'étais visible et invisible en même temps. Mais je me suis relevée et la photographie était faite. Eux, dorment dans la rue, pour combien de nuits encore ? Le photographe rend la vue à ceux qui ont été pris de cécité. Comment ne pas voir ces gens allongés au sol, assis par terre ? Il faut les regarder, leur parler, les faire exister au delà de leur précarité. Il faut les aider.‟


Aglaé Bory à Paris le 2/06/2016, 7h33
AGLAE BORY, photographe


‟Je me suis allongée par terre et j'ai fermé les yeux. Je me suis sentie traversée, à tous les vents. Dans une immense vulnérabilité. J'étais visible et invisible en même temps. Mais je me suis relevée et la photographie était faite. Eux, dorment dans la rue, pour combien de nuits encore ? Le photographe rend la vue à ceux qui ont été pris de cécité. Comment ne pas voir ces gens allongés au sol, assis par terre ? Il faut les regarder, leur parler, les faire exister au delà de leur précarité. Il faut les aider.‟


Aglaé Bory à Paris le 2/06/2016, 7h33

ANTOINE LY, journaliste ‟Dans mon métier de journaliste, je me mets à la hauteur des personnes que je rencontre. Face à face. Question de respect et d'égalité.
Avec l'expérience ‟Exils Intra Muros‟, je me suis rendu compte que ces notions n'existent pas, pour ceux qui dorment à même le sol. Couché sur le bitume, on se sent très vite ‟inférieur‟. Plus question d'égalité.
Dormir sous un toit, être protégé du froid...c'est une question de dignité.‟


Antoine Ly à Paris le 03/09/2014 à 7h42
ANTOINE LY, journaliste

‟Dans mon métier de journaliste, je me mets à la hauteur des personnes que je rencontre. Face à face. Question de respect et d'égalité.
Avec l'expérience ‟Exils Intra Muros‟, je me suis rendu compte que ces notions n'existent pas, pour ceux qui dorment à même le sol. Couché sur le bitume, on se sent très vite ‟inférieur‟. Plus question d'égalité.
Dormir sous un toit, être protégé du froid...c'est une question de dignité.‟


Antoine Ly à Paris le 03/09/2014 à 7h42

AYA CISSOKO, écrivaine 	Pas de jouets, nous vivons de la récupération. Des objets perdus ou abandonnés par d’autres. Des bouts de ferrailles, des pneus… Tout est bon pour améliorer le jeu. Je trouve un minuscule coffre de poupée en plastique jaune. J’y stocke des insectes prélevés sur les arbres. Ma m’ordonne de ne plus jamais ramener ça dans la maison si je veux garder ma tête sur les épaules : « N b’i kan tige. Namogoden in. Ka na ni fennenamaw n ka so kono ? Nin den in te maloya mogo ma. Je vais te couper la tête. Enfant de salaud. Des bêtes chez moi ? Cette enfant ne respecte rien. »

Extrait de N’ba aux Editions Calmann Lévy.
AYA CISSOKO, écrivaine

Pas de jouets, nous vivons de la récupération. Des objets perdus ou abandonnés par d’autres. Des bouts de ferrailles, des pneus… Tout est bon pour améliorer le jeu. Je trouve un minuscule coffre de poupée en plastique jaune. J’y stocke des insectes prélevés sur les arbres. Ma m’ordonne de ne plus jamais ramener ça dans la maison si je veux garder ma tête sur les épaules : « N b’i kan tige. Namogoden in. Ka na ni fennenamaw n ka so kono ? Nin den in te maloya mogo ma. Je vais te couper la tête. Enfant de salaud. Des bêtes chez moi ? Cette enfant ne respecte rien. »

Extrait de N’ba aux Editions Calmann Lévy.


BÉVINDA, chanteuse ‟Je me suis allongée dans l’une des rares cabines téléphoniques restantes de la capitale, j’ai pris le chemin de l’endormissement et ma pensée s’est mise au ralenti.
Je respire calmement, j’entends des moteurs, des bruits, des pas, des mots, des sons ; je plonge plus loin au dedans, le temps ne me concerne plus. Le monde dehors s’agite et je suis là , offerte aux regards de la ville derrière la vitre de cette cabine. Je me réfugie bien au fond de mon être et cette intimité me permet de me sentir à l’abri, je sens que seul ce repli au dedans de moi me protège. Je repense à ce jeune couple avec un bébé, quelque part dans Paris, ils sont beaux, bien habillés, ils ont l’air amoureux, ils sortent leur matelas étroit dans un recoin de rue, déballent leurs maigres affaires et se préparent pour la nuit. Je pense à ces hommes, ces femmes , ces enfants à qui cette société « évoluée » ne laisse comme unique choix, que celui de se retirer dans leur foyer intérieur pour se reposer, et de vivre, - là où les autres, ceux du dehors, vont et viennent, partent de chez eux, vont à un rendez- vous, courent, jouent, rentrent à la maison, se dépêchent, déambulent noctambules, sans jamais de cesse, - dans la rue. Bientôt la nouvelle année, 2016..........‟


Bévinda Maria Ferreira Galvao à Paris le 19/12/2015 à 8h40
BÉVINDA, chanteuse

‟Je me suis allongée dans l’une des rares cabines téléphoniques restantes de la capitale, j’ai pris le chemin de l’endormissement et ma pensée s’est mise au ralenti.
Je respire calmement, j’entends des moteurs, des bruits, des pas, des mots, des sons ; je plonge plus loin au dedans, le temps ne me concerne plus. Le monde dehors s’agite et je suis là , offerte aux regards de la ville derrière la vitre de cette cabine. Je me réfugie bien au fond de mon être et cette intimité me permet de me sentir à l’abri, je sens que seul ce repli au dedans de moi me protège. Je repense à ce jeune couple avec un bébé, quelque part dans Paris, ils sont beaux, bien habillés, ils ont l’air amoureux, ils sortent leur matelas étroit dans un recoin de rue, déballent leurs maigres affaires et se préparent pour la nuit. Je pense à ces hommes, ces femmes , ces enfants à qui cette société « évoluée » ne laisse comme unique choix, que celui de se retirer dans leur foyer intérieur pour se reposer, et de vivre, - là où les autres, ceux du dehors, vont et viennent, partent de chez eux, vont à un rendez- vous, courent, jouent, rentrent à la maison, se dépêchent, déambulent noctambules, sans jamais de cesse, - dans la rue. Bientôt la nouvelle année, 2016..........‟


Bévinda Maria Ferreira Galvao à Paris le 19/12/2015 à 8h40

CAMILLE MORAVIA, photographe Qu'est ce que tu fous debout à 7h du mat ?
- Je me prépare à m'allonger dans une cabine téléphonique pour Marc Melki
- Tu te lances dans le caritatif, plutôt côté Jr ou côté Yann Arthus Bertrand ?
- T'as le droit d'être cynique et même désobligeante, j'aurais surement fait pareil à ma place. C'est juste que y'a des gens dans la rue, qu'ils y vivent, dans le regard de certains ils encombrent autant que les pigeons, souvent on regarde ailleurs, le plus vite possible on oublie. Je vais pas te sortir la carte prisedeconsciencesolidarité, le type se bouge le cul, me lever à 7h c'est pas si compliqué d'ailleurs si ça te dit tu le contactes, il est sur facebook.

Camille Moravia le 15/07/2014 à 7h45
CAMILLE MORAVIA, photographe

Qu'est ce que tu fous debout à 7h du mat ?
- Je me prépare à m'allonger dans une cabine téléphonique pour Marc Melki
- Tu te lances dans le caritatif, plutôt côté Jr ou côté Yann Arthus Bertrand ?
- T'as le droit d'être cynique et même désobligeante, j'aurais surement fait pareil à ma place. C'est juste que y'a des gens dans la rue, qu'ils y vivent, dans le regard de certains ils encombrent autant que les pigeons, souvent on regarde ailleurs, le plus vite possible on oublie. Je vais pas te sortir la carte prisedeconsciencesolidarité, le type se bouge le cul, me lever à 7h c'est pas si compliqué d'ailleurs si ça te dit tu le contactes, il est sur facebook.

Camille Moravia le 15/07/2014 à 7h45

CAROLE ZALBERG, écrivaine  ‟Ce matin, pour Marc, je me suis allongée dans ce qui restait d'une cabine téléphonique le temps d'un cliché. Je devais avoir l'air de dormir. Contre toute attente, garder les paupières closes a été difficile. Manquait l'épuisement. Manquait l'absolue nécessité de se soustraire. Le monde se rappelait à moi par ses bruits : de pas pressés, de voix, de moteurs, de machines. Au-delà de mes yeux fermés, le monde respirait encore. Et je me demandais si ceux qui dorment ainsi, le corps replié comme il peut, protégé par ce qu'ils trouvent, si ceux qui dorment là non pour alerter mais parce qu'ils n'ont eu d'autre choix que de se coucher où la fatigue les prenait, entendaient encore ce monde qui ne veut pas d'eux. »


Carole Zalberg photographiée le 02/04/2015 à 8h09
CAROLE ZALBERG, écrivaine

‟Ce matin, pour Marc, je me suis allongée dans ce qui restait d'une cabine téléphonique le temps d'un cliché. Je devais avoir l'air de dormir. Contre toute attente, garder les paupières closes a été difficile. Manquait l'épuisement. Manquait l'absolue nécessité de se soustraire. Le monde se rappelait à moi par ses bruits : de pas pressés, de voix, de moteurs, de machines. Au-delà de mes yeux fermés, le monde respirait encore. Et je me demandais si ceux qui dorment ainsi, le corps replié comme il peut, protégé par ce qu'ils trouvent, si ceux qui dorment là non pour alerter mais parce qu'ils n'ont eu d'autre choix que de se coucher où la fatigue les prenait, entendaient encore ce monde qui ne veut pas d'eux. »


Carole Zalberg photographiée le 02/04/2015 à 8h09

CAROLINE DUCEY, comédienne ‟Je rentre de notre rendez-vous avec Marc Melki. Je me suis allongée sur des cartons, avec quelques couvertures pour oreiller et une sur mon cœur ou corps je ne sais plus, dans un abri autolib’. Marc a pris quelques photos.
Cet hiver j’ai eu peur puis honte au moins 3 fois, je suis restée bloquée à côté d’une forme allongée par terre, un être humain, face contre le sol enroulé dans un vague sac de couchage, je ne savais pas si cette personne était vivante ou morte.
La seule manière d’en avoir le cœur net aurait été de toucher cette personne. Je n’ai pas osé car j’ai eu peur de chopper un microbe ou autre, mon bébé n’a qu’un an, avec l’hiver et la crèche elle est malade toutes les 2 semaines, moi-même je suis fébrile, je joue au théâtre le soir, bref la vie de quelqu’un qui a un toit, qui peut donc être en activité, et qui a peur d’être contaminé et que cela brise l’équilibre de cette journée que je dois mener à bien, je choisis donc de penser à moi et ma famille plutôt qu’à cet autre allongé là à même le sol et qui ne bouge pas.
J’ai appelé le Samu social pour signaler la présence de cette personne à l’abandon et suis partie. La dame du Samu m’a dit que ce sont les gens dans le besoin qui doivent demander eux-mêmes de l’aide, qu’une maraude passerait sûrement.
Quand ces gens n’ont plus la force de demander ?
Quand vers 11h du matin sur le quai du métro, en sortant de la rame, une même forme est allongée et qu’une mère entraîne son enfant par la main pour l’empêcher de vouloir toucher cette forme parce que l’enfant ne comprend pas ce que cette personne fait ainsi étendue par terre face contre sol et qu’il veut lui porter secours instinctivement, que fait-on ?
Avoir un toit est la condition indispensable pour tenir debout et se mettre à vivre. » 

Caroline Ducey le 10/05/2016 à 8:02
CAROLINE DUCEY, comédienne

‟Je rentre de notre rendez-vous avec Marc Melki. Je me suis allongée sur des cartons, avec quelques couvertures pour oreiller et une sur mon cœur ou corps je ne sais plus, dans un abri autolib’. Marc a pris quelques photos.
Cet hiver j’ai eu peur puis honte au moins 3 fois, je suis restée bloquée à côté d’une forme allongée par terre, un être humain, face contre le sol enroulé dans un vague sac de couchage, je ne savais pas si cette personne était vivante ou morte.
La seule manière d’en avoir le cœur net aurait été de toucher cette personne. Je n’ai pas osé car j’ai eu peur de chopper un microbe ou autre, mon bébé n’a qu’un an, avec l’hiver et la crèche elle est malade toutes les 2 semaines, moi-même je suis fébrile, je joue au théâtre le soir, bref la vie de quelqu’un qui a un toit, qui peut donc être en activité, et qui a peur d’être contaminé et que cela brise l’équilibre de cette journée que je dois mener à bien, je choisis donc de penser à moi et ma famille plutôt qu’à cet autre allongé là à même le sol et qui ne bouge pas.
J’ai appelé le Samu social pour signaler la présence de cette personne à l’abandon et suis partie. La dame du Samu m’a dit que ce sont les gens dans le besoin qui doivent demander eux-mêmes de l’aide, qu’une maraude passerait sûrement.
Quand ces gens n’ont plus la force de demander ?
Quand vers 11h du matin sur le quai du métro, en sortant de la rame, une même forme est allongée et qu’une mère entraîne son enfant par la main pour l’empêcher de vouloir toucher cette forme parce que l’enfant ne comprend pas ce que cette personne fait ainsi étendue par terre face contre sol et qu’il veut lui porter secours instinctivement, que fait-on ?
Avoir un toit est la condition indispensable pour tenir debout et se mettre à vivre. »

Caroline Ducey le 10/05/2016 à 8:02

Christian OLIVIER ‟ J’ai rêvé que je rêvais … » 

Christian OLIVIER le 5/12/2016 à 9h13
Christian OLIVIER

‟ J’ai rêvé que je rêvais … »

Christian OLIVIER le 5/12/2016 à 9h13

DOMINIQUE GOBLET/KAI PFEIFFER Sur le carton sur lequel ils se sont couchés était inscrit : 
‟Pensez à me plier avant de me remettre à votre livreur !‟

Dominique Goblet & Kai Pfeiffer le 22/01/2016 à 9h45
DOMINIQUE GOBLET/KAI PFEIFFER

Sur le carton sur lequel ils se sont couchés était inscrit :
‟Pensez à me plier avant de me remettre à votre livreur !‟

Dominique Goblet & Kai Pfeiffer le 22/01/2016 à 9h45


DOMINIQUE SOPO Président de S.O.S RACISME
DOMINIQUE SOPO

Président de S.O.S RACISME

EMELEENE LANDON, écrivaine.
EMELEENE LANDON, écrivaine.

ERIC PLIEZ, Maire de Paris 20e ‟On ne peut pas accepter que des hommes, des femmes et de plus en plus d'enfants dorment dehors. N'aménageons pas la rue, aidons les gens à en sortir.‟



Eric Pliez, directeur général de l'association AURORE et président du SAMU SOCIAL de Paris, à Paris le 28 novembre 2014 à 8h23
ERIC PLIEZ, Maire de Paris 20e

‟On ne peut pas accepter que des hommes, des femmes et de plus en plus d'enfants dorment dehors. N'aménageons pas la rue, aidons les gens à en sortir.‟



Eric Pliez, directeur général de l'association AURORE et président du SAMU SOCIAL de Paris, à Paris le 28 novembre 2014 à 8h23

FRANÇOISE KELLER « A chaque fois que vous êtes dans le doute, faites le test suivant : souvenez-vous de la personne la plus pauvre et la plus faible que vous ayez rencontrée dans votre vie et demandez-vous si ce que vous vous apprêtez à faire lui sera d’une quelconque utilité. » Mahatma Gandhi
Et si c’était moi ? Je m’allonge et en même temps je sais que c’est pour de faux. Tout à l’heure j’irai prendre une douche tiède, je serai au chaud à prendre un café, j’aurai des amis à qui parler et le regard de Marc, attentif. Et pourtant je veux aller à la rencontre de ma plus grande peur : et si c’était moi ?
Ce qui me frappe d’abord c’est le bruit… Les pas, les voitures et les valises. Tout résonne autour de moi et sous moi… Puis il y a le souffle du vent, le froid qui s’installe peu à peu… Combien de temps puis-je garder la main dehors ? A partir de quand devient-on insensible tellement le froid s’installe et fait mal ?
Je regarde le ciel, les bureaux qui s’éclairent… Qu’est-ce qu’on peut bien se dire quand on se réveille ainsi ? Comment garde-t-on l’estime de soi et le courage quand on se retrouve ainsi, au niveau des chaussures et des crottes de chiens ? Des pigeons passent et me regardent… Sont-ils les seuls yeux qui regardent ceux qui dorment là ?
Puis, nous avons pris un café puis je m’en suis retournée près des amis et de ma famille, dans des maisons et des lits bien moelleux, vers mes projets et mes occupations… J’ai marché dans la rue et j’ai vu que j’avais grandi en humanité. En rencontrant ma plus grande peur quelque chose en moi a changé. Il faut peut être avoir rencontré cette peur là pour vraiment regarder ceux qui dorment là dans la rue, pour ressentir cette morsure intérieure et accepter de reconnaître que ce qui se passe là me concerne vraiment.


Françoise Keller, formatrice en Communication NonViolente et consultante, 16/03/2016 à 8h30
FRANÇOISE KELLER

« A chaque fois que vous êtes dans le doute, faites le test suivant : souvenez-vous de la personne la plus pauvre et la plus faible que vous ayez rencontrée dans votre vie et demandez-vous si ce que vous vous apprêtez à faire lui sera d’une quelconque utilité. » Mahatma Gandhi
Et si c’était moi ? Je m’allonge et en même temps je sais que c’est pour de faux. Tout à l’heure j’irai prendre une douche tiède, je serai au chaud à prendre un café, j’aurai des amis à qui parler et le regard de Marc, attentif. Et pourtant je veux aller à la rencontre de ma plus grande peur : et si c’était moi ?
Ce qui me frappe d’abord c’est le bruit… Les pas, les voitures et les valises. Tout résonne autour de moi et sous moi… Puis il y a le souffle du vent, le froid qui s’installe peu à peu… Combien de temps puis-je garder la main dehors ? A partir de quand devient-on insensible tellement le froid s’installe et fait mal ?
Je regarde le ciel, les bureaux qui s’éclairent… Qu’est-ce qu’on peut bien se dire quand on se réveille ainsi ? Comment garde-t-on l’estime de soi et le courage quand on se retrouve ainsi, au niveau des chaussures et des crottes de chiens ? Des pigeons passent et me regardent… Sont-ils les seuls yeux qui regardent ceux qui dorment là ?
Puis, nous avons pris un café puis je m’en suis retournée près des amis et de ma famille, dans des maisons et des lits bien moelleux, vers mes projets et mes occupations… J’ai marché dans la rue et j’ai vu que j’avais grandi en humanité. En rencontrant ma plus grande peur quelque chose en moi a changé. Il faut peut être avoir rencontré cette peur là pour vraiment regarder ceux qui dorment là dans la rue, pour ressentir cette morsure intérieure et accepter de reconnaître que ce qui se passe là me concerne vraiment.


Françoise Keller, formatrice en Communication NonViolente et consultante, 16/03/2016 à 8h30


FRANÇOISE BREUT, Chanteuse « Ce n'est pas la première fois que je dors dehors mais c'était pour d'autres raisons que celles de se mettre dans la peau de quelqu'un qui n'a pas de toit, qui est chassé d'un abri précaire, d'un bidonville, dessous un pont. Le fait de dormir sur un carton, sentir l'humidité du sol sous l'épaisseur du carton, sentir l'air s'immiscer sous la couverture, se dire qu'on est pas certain de passer l'hiver. C'est juste insupportable et terrible, de voir le rejet et l'indifférence. Il faut juste s' imaginer être à la place de cette femme épuisée et de ses deux très jeunes enfants recroquevillés dans la nuit sans aucune protection. On préfèrerait ne plus jamais voir ça. » 

Françoiz Breut le 04/06/2016 à 8h14
FRANÇOISE BREUT, Chanteuse

« Ce n'est pas la première fois que je dors dehors mais c'était pour d'autres raisons que celles de se mettre dans la peau de quelqu'un qui n'a pas de toit, qui est chassé d'un abri précaire, d'un bidonville, dessous un pont. Le fait de dormir sur un carton, sentir l'humidité du sol sous l'épaisseur du carton, sentir l'air s'immiscer sous la couverture, se dire qu'on est pas certain de passer l'hiver. C'est juste insupportable et terrible, de voir le rejet et l'indifférence. Il faut juste s' imaginer être à la place de cette femme épuisée et de ses deux très jeunes enfants recroquevillés dans la nuit sans aucune protection. On préfèrerait ne plus jamais voir ça. »

Françoiz Breut le 04/06/2016 à 8h14

FRED ROLLAT, chanteur ‟On sort les encombrants, les rouillés, les machines, les grinçants. Une fois par semaine on empile à la benne les usants, les fracassés d'la vie, les abîmés, les usés, les gênants. Les salis, les grippés, les fragiles, LES ENCOMBRANTS.‟ 

Frédéric Rollat, (Les Karpatt) à Paris le 19/04/2016, 8h26
FRED ROLLAT, chanteur

‟On sort les encombrants, les rouillés, les machines, les grinçants. Une fois par semaine on empile à la benne les usants, les fracassés d'la vie, les abîmés, les usés, les gênants. Les salis, les grippés, les fragiles, LES ENCOMBRANTS.‟

Frédéric Rollat, (Les Karpatt) à Paris le 19/04/2016, 8h26



HOUDA BENYAMINA, réalisatrice
HOUDA BENYAMINA, réalisatrice

JACQUES GAILLOT 7/AUJOURD'HUI JACQUES GAILLOT
‟ L'humain d'abord
Je ne m'habitue jamais à voir des familles à la rue, avec de jeunes enfants. Les Roms ont moins besoin de soutien que de respect. Respect de leurs droits de citoyen. Ce sont des êtres humains comme nous. Leurs familles sont comme les nôtres.
Les Roms voudraient vivre comme tout le monde. Ils se démènent pour que leurs enfants puissent aller à l'école, parler français, avoir un avenir.
Comment bâtir une société à visage humain, si l'on n'a pas le respect des plus faibles et si les minorités ne jouissent pas de leurs droits ?‟


Jacques GAILLOT Evêque de Partenia le 10/02/2015 à 8h26
JACQUES GAILLOT

7/AUJOURD'HUI JACQUES GAILLOT
‟ L'humain d'abord
Je ne m'habitue jamais à voir des familles à la rue, avec de jeunes enfants. Les Roms ont moins besoin de soutien que de respect. Respect de leurs droits de citoyen. Ce sont des êtres humains comme nous. Leurs familles sont comme les nôtres.
Les Roms voudraient vivre comme tout le monde. Ils se démènent pour que leurs enfants puissent aller à l'école, parler français, avoir un avenir.
Comment bâtir une société à visage humain, si l'on n'a pas le respect des plus faibles et si les minorités ne jouissent pas de leurs droits ?‟


Jacques GAILLOT Evêque de Partenia le 10/02/2015 à 8h26

LIZZY LING ET JEAN FAUQUE ‟Il a fallu aller d’abri en abri pour en trouver enfin un de libre pour cette photo… Des familles n’ont que ça pour dormir. Nos yeux ne voient pas, et pourtant c’est à Paris, en 2016. Combien d’années encore à supporter cela?‟


Jean Fauque et Lizzy Ling le 22/03/2016 8h27
LIZZY LING ET JEAN FAUQUE

‟Il a fallu aller d’abri en abri pour en trouver enfin un de libre pour cette photo… Des familles n’ont que ça pour dormir. Nos yeux ne voient pas, et pourtant c’est à Paris, en 2016. Combien d’années encore à supporter cela?‟


Jean Fauque et Lizzy Ling le 22/03/2016 8h27

JEAN-MICHEL RIBES
JEAN-MICHEL RIBES

LAMINE HASNI, Chanteur Un soir, Marc mon copain, m'explique ce ‟travail‟ dans lequel il est engagé depuis un certain temps. ‟Montrer‟ les gens et leurs enfants dans les rues. ( Les délaissés, les ceux ‟qu'on n'est pas de chez eux‟. 
Bref, ton voisin, ton cousin ou ton frère dans la rue ! Et j'ai compris. Que j'étais le cousin etc... Et moi dans la rue.
Mets toi dans une cabine... Une autre cabine... Dans la rue. Et tu verras et comprendras que... Regarder la vie à l'horizontale, dans la rue, ‟c'est un autre angle de vue‟. Regardes et penses à l'autre, ton voisin ton frère!


Lamine Hasni à Paris le 4/07/2014 à 8h24
LAMINE HASNI, Chanteur

Un soir, Marc mon copain, m'explique ce ‟travail‟ dans lequel il est engagé depuis un certain temps. ‟Montrer‟ les gens et leurs enfants dans les rues. ( Les délaissés, les ceux ‟qu'on n'est pas de chez eux‟.
Bref, ton voisin, ton cousin ou ton frère dans la rue ! Et j'ai compris. Que j'étais le cousin etc... Et moi dans la rue.
Mets toi dans une cabine... Une autre cabine... Dans la rue. Et tu verras et comprendras que... Regarder la vie à l'horizontale, dans la rue, ‟c'est un autre angle de vue‟. Regardes et penses à l'autre, ton voisin ton frère!


Lamine Hasni à Paris le 4/07/2014 à 8h24

LAURENT GAUDÉ, écrivain Colère. Des corps d’hommes, de femmes et d’enfants sont à nos pieds. Amas de vie, de sacs, de couvertures trempées. Souf e bas, sur l’asphalte. Enfants endormis, à ras de terre, sur des matelas de carton. Colère. Dans nos villes de lumière, il y a un peuple de silhouettes recroquevillées, fatiguées par la vie, la pluie, l’oubli. Colère. Avons-nous oublié ce que c’est que la colère ?

Laurent Gaudé à Paris 5e, boulevard Saint-Germain, le 18 décembre 2014, à 9 h 48
LAURENT GAUDÉ, écrivain

Colère. Des corps d’hommes, de femmes et d’enfants sont à nos pieds. Amas de vie, de sacs, de couvertures trempées. Souf e bas, sur l’asphalte. Enfants endormis, à ras de terre, sur des matelas de carton. Colère. Dans nos villes de lumière, il y a un peuple de silhouettes recroquevillées, fatiguées par la vie, la pluie, l’oubli. Colère. Avons-nous oublié ce que c’est que la colère ?

Laurent Gaudé à Paris 5e, boulevard Saint-Germain, le 18 décembre 2014, à 9 h 48

LOUIS DE GOUYON MATIGNON « Je suis très heureux d'avoir pu participer à la campagne Exils Intra Muros. Aujourd'hui, 15 000 à 17 000 Roms vivent en France dans des conditions que nous ne pouvons plus tolérer. Peuple européen aux racines indiennes, les Roms sont nos concitoyens ; nous devons rester dignes, les protéger et les aider, afin que la vie vécue par ces hommes, ces femmes et ces enfants, corresponde à la vie rêvée par ceux qui écrivaient : ‟ Les Hommes naissent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent êtres fondées que sur l'utilité commune ‟.

Louis de Gouyon Matignon à Paris le 11/07/2014, 08h24

Président du Parti européen et de l'association Défense de la Culture Tsigane.
LOUIS DE GOUYON MATIGNON

« Je suis très heureux d'avoir pu participer à la campagne Exils Intra Muros. Aujourd'hui, 15 000 à 17 000 Roms vivent en France dans des conditions que nous ne pouvons plus tolérer. Peuple européen aux racines indiennes, les Roms sont nos concitoyens ; nous devons rester dignes, les protéger et les aider, afin que la vie vécue par ces hommes, ces femmes et ces enfants, corresponde à la vie rêvée par ceux qui écrivaient : ‟ Les Hommes naissent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent êtres fondées que sur l'utilité commune ‟.

Louis de Gouyon Matignon à Paris le 11/07/2014, 08h24

Président du Parti européen et de l'association Défense de la Culture Tsigane.


LUCIEN BOUCHARA
LUCIEN BOUCHARA

MARIE PAYEN, comédienne ‟Roheed, Qadir, Elena, Magalie, Amal, Hassan, Jean, Florin, Zia, Michel, Jan, Denisa, Fatouma, Nathalie, Amel, Andréa, Youssouf, Alexandru, Yoursalem, Fabrice, Maaza, Micha, Sara, Bilal, Khalil, Haben, Abou, Elena, Lilianna, Abram, Sami, Zakaryia, Crishna,Traian, Teodor, Stelian, Elhil, Elhilammal, Evelyne, Gerard, Jeiran, Narimane, Jasmine, kadija, Grigore, Nadia, Imane, Omeed, Esther, Hengameh, Yaya, Grace, Tinebeb, Yodit, Micha, Mohammed, Mariana, Anas, Haya, Catherine, Nour, Souzan, Ailan, Reem, Mariska, Ranim...
Pardon.‟

Marie Payen le 02/05/2016 7h17
MARIE PAYEN, comédienne

‟Roheed, Qadir, Elena, Magalie, Amal, Hassan, Jean, Florin, Zia, Michel, Jan, Denisa, Fatouma, Nathalie, Amel, Andréa, Youssouf, Alexandru, Yoursalem, Fabrice, Maaza, Micha, Sara, Bilal, Khalil, Haben, Abou, Elena, Lilianna, Abram, Sami, Zakaryia, Crishna,Traian, Teodor, Stelian, Elhil, Elhilammal, Evelyne, Gerard, Jeiran, Narimane, Jasmine, kadija, Grigore, Nadia, Imane, Omeed, Esther, Hengameh, Yaya, Grace, Tinebeb, Yodit, Micha, Mohammed, Mariana, Anas, Haya, Catherine, Nour, Souzan, Ailan, Reem, Mariska, Ranim...
Pardon.‟

Marie Payen le 02/05/2016 7h17

MARTINE VOYEUX, photographe Chaque soir en me couchant je me rappelle cette expérience très physique de me recroqueviller sur le sol d'une cabine téléphonique , froid, odeur, solitude en écho assourdi de bruits inquiétants -‟au secours Marco t'es tjrs là ??? ‟ Il m'a dit de fermer les yeux et de me laisser aller au sommeil ... Je suis partie dans mes pensées puis dans des bouts de rêves et j'ai mis mes mains tout contre moi, mais comment « dormir comme un ange en enfer… »

Martine Voyeux le 17/12/2014 à 8h17
MARTINE VOYEUX, photographe

Chaque soir en me couchant je me rappelle cette expérience très physique de me recroqueviller sur le sol d'une cabine téléphonique , froid, odeur, solitude en écho assourdi de bruits inquiétants -‟au secours Marco t'es tjrs là ??? ‟ Il m'a dit de fermer les yeux et de me laisser aller au sommeil ... Je suis partie dans mes pensées puis dans des bouts de rêves et j'ai mis mes mains tout contre moi, mais comment « dormir comme un ange en enfer… »

Martine Voyeux le 17/12/2014 à 8h17


MATHILDE SERIELL, journaliste
MATHILDE SERIELL, journaliste

Patrick Pelloux « Demain, ça peut être vous. Ce n'est pas une menace mais une certitude. La misère arrive vite et en silence » 

Patrick Pelloux à Paris, le 10/01/2017 à 9h52
Patrick Pelloux

« Demain, ça peut être vous. Ce n'est pas une menace mais une certitude. La misère arrive vite et en silence »

Patrick Pelloux à Paris, le 10/01/2017 à 9h52

PIERRE GROSZ, auteur ‟ Tôt ce matin, allongé sur le sol dans un abri de rue, les gens me voyaient sans me voir.
Avant d’y aller on y pense et je me disais : mais oui, c’est peut-être seulement le hasard qui m’a permis d’être là où je suis et pas sur le sol d’un abri de nuit, dans le froid de l’air et celui de l’indifférence.
Se coucher là pour un moment, à cet endroit où d’autres dorment chaque nuit, le jouer, c’est comprendre quelque chose de bien simple : qu’est-ce qu’on peut faire ? 
Rien tout seul, tout ensemble. ‟ 

Pierre Grosz le 22/02/2016 8h19
PIERRE GROSZ, auteur

‟ Tôt ce matin, allongé sur le sol dans un abri de rue, les gens me voyaient sans me voir.
Avant d’y aller on y pense et je me disais : mais oui, c’est peut-être seulement le hasard qui m’a permis d’être là où je suis et pas sur le sol d’un abri de nuit, dans le froid de l’air et celui de l’indifférence.
Se coucher là pour un moment, à cet endroit où d’autres dorment chaque nuit, le jouer, c’est comprendre quelque chose de bien simple : qu’est-ce qu’on peut faire ?
Rien tout seul, tout ensemble. ‟

Pierre Grosz le 22/02/2016 8h19

RAYMOND GURÊME ‟Ce qu'on a fait avec cette photo, c' est très bien ! 
Que le gouvernement respecte ses lois, et que les politiques se réveillent un peu !
La République c'est pour tout le monde !‟

Raymond Gurême à Paris le 03 décembre 2014 à 9h28

Rescapé des camps, il est à 89 ans l'un des rares survivants d'une page occultée de l'histoire de France: celle de l’internement de 1940 à1946 sur le sol français de familles « nomades ».
RAYMOND GURÊME

‟Ce qu'on a fait avec cette photo, c' est très bien !
Que le gouvernement respecte ses lois, et que les politiques se réveillent un peu !
La République c'est pour tout le monde !‟

Raymond Gurême à Paris le 03 décembre 2014 à 9h28

Rescapé des camps, il est à 89 ans l'un des rares survivants d'une page occultée de l'histoire de France: celle de l’internement de 1940 à1946 sur le sol français de familles « nomades ».

ROBI, chanteuse ‟Se lever un matin trop tôt et singer parterre un instant de sommeil, dans les rues vides de Paris que d'autres vivent à demeure. 
J'ai honte d'imiter la misère. Je suis gênée de l'effleurer pour l'image et de retourner tout de suite au confort, à l'oubli quotidien de la chance. 
Mais j'aurais eu plus honte encore de ne pas le faire. De ne pas prendre à moi ma honte. De préférer ne rien faire plutôt que de mal faire. 
Si d'avoir honte ou plus honte encore j'ai choisi la première option, j'ai bien conscience que ce choix lui aussi un luxe.‟

Chloé Robineau le 11/07/2014 à 7h33
ROBI, chanteuse

‟Se lever un matin trop tôt et singer parterre un instant de sommeil, dans les rues vides de Paris que d'autres vivent à demeure. 
J'ai honte d'imiter la misère. Je suis gênée de l'effleurer pour l'image et de retourner tout de suite au confort, à l'oubli quotidien de la chance. 
Mais j'aurais eu plus honte encore de ne pas le faire. De ne pas prendre à moi ma honte. De préférer ne rien faire plutôt que de mal faire. 
Si d'avoir honte ou plus honte encore j'ai choisi la première option, j'ai bien conscience que ce choix lui aussi un luxe.‟

Chloé Robineau le 11/07/2014 à 7h33

SAMIR GUESMI, acteur
SAMIR GUESMI, acteur

SANDRINE ROUDEIX, photographe 
‟On pense d’abord aux regards des autres, et puis, tout de suite après, on pense à ce qui se joue. Roulée en boule dans un abri de verre et de poussière comme si je n’avais nulle part où aller. Les genoux collés écrasés contre ma poitrine. Les bras repliés en croix sous le menton, serrant à pleines mains trois couches de couvertures. A travers les deux cartons aplatis que Marc a posés au sol, doublés d'un vieux plaid grisouille, mon dos s’enfonce sur le socle en métal qui me gèle la colonne vertébrale. Au début, j’ai eu chaud. C'est l'hiver et je suis en pull et caban sous les épaisseurs froissées de laine. Et puis, j’ai eu tiède. Et enfin, froid. Ne pas ouvrir les yeux. Respirer lentement. Mes baskets cognent la porte refermée de la cabine. Pourtant, je suis petite. Comment font les grands gaillards ? Comment font les familles qui s’entassent à deux trois sans compter les sacs de couchage et les baluchons d’infortune ? Je cale mon front contre la paroi, le besoin de sentir du dur contre ma tête, un rempart ou un pilier, un mur de réalité pour ne pas sombrer. Mes sourcils se relâchent et je somnole. Quelques minutes immobiles à écouter mon souffle. Serrer mes paupières. Résister à l’envie de redevenir moi. Rester entre parenthèses. Comme eux, en attente de rien. Je sens l’air qui entre et sors de mes poumons, la preuve que je suis vivante, pourtant. Est-ce qu’ils y pensent, ceux qui se réfugient ici, défendant la place comme leur unique territoire ? Je renifle l’aigreur d'urines successives, la fumée des gaz d'échappement pris au piège dans la cabine, le parfum renfermé de la saleté. J'entends la plainte agacée d’un klaxon, le grincement d’un amortisseur, une femme qui roucoule dans son téléphone. Tous ont une vie, des trucs à faire, des gens à voir. Tous tournent autour de moi, soudain invisible. J'ai froid et je remonte les couvertures. Dehors, ça freine, ça accélère, ça claudique, ça vitupère. Dedans, c’est le silence. Au-dessus de moi, le combiné bleu attend un appel, une main tendue qui ne vient pas. Et puis la voix de Marc, enfin. C’est fini. Je me relève. D’autres n’ont pas cette chance.‟

Sandrine Roudeix le 4/12/2015 à 9h34
SANDRINE ROUDEIX, photographe


‟On pense d’abord aux regards des autres, et puis, tout de suite après, on pense à ce qui se joue. Roulée en boule dans un abri de verre et de poussière comme si je n’avais nulle part où aller. Les genoux collés écrasés contre ma poitrine. Les bras repliés en croix sous le menton, serrant à pleines mains trois couches de couvertures. A travers les deux cartons aplatis que Marc a posés au sol, doublés d'un vieux plaid grisouille, mon dos s’enfonce sur le socle en métal qui me gèle la colonne vertébrale. Au début, j’ai eu chaud. C'est l'hiver et je suis en pull et caban sous les épaisseurs froissées de laine. Et puis, j’ai eu tiède. Et enfin, froid. Ne pas ouvrir les yeux. Respirer lentement. Mes baskets cognent la porte refermée de la cabine. Pourtant, je suis petite. Comment font les grands gaillards ? Comment font les familles qui s’entassent à deux trois sans compter les sacs de couchage et les baluchons d’infortune ? Je cale mon front contre la paroi, le besoin de sentir du dur contre ma tête, un rempart ou un pilier, un mur de réalité pour ne pas sombrer. Mes sourcils se relâchent et je somnole. Quelques minutes immobiles à écouter mon souffle. Serrer mes paupières. Résister à l’envie de redevenir moi. Rester entre parenthèses. Comme eux, en attente de rien. Je sens l’air qui entre et sors de mes poumons, la preuve que je suis vivante, pourtant. Est-ce qu’ils y pensent, ceux qui se réfugient ici, défendant la place comme leur unique territoire ? Je renifle l’aigreur d'urines successives, la fumée des gaz d'échappement pris au piège dans la cabine, le parfum renfermé de la saleté. J'entends la plainte agacée d’un klaxon, le grincement d’un amortisseur, une femme qui roucoule dans son téléphone. Tous ont une vie, des trucs à faire, des gens à voir. Tous tournent autour de moi, soudain invisible. J'ai froid et je remonte les couvertures. Dehors, ça freine, ça accélère, ça claudique, ça vitupère. Dedans, c’est le silence. Au-dessus de moi, le combiné bleu attend un appel, une main tendue qui ne vient pas. Et puis la voix de Marc, enfin. C’est fini. Je me relève. D’autres n’ont pas cette chance.‟

Sandrine Roudeix le 4/12/2015 à 9h34

SERCE TEYSSOT-GAY ‟Mais la vérité, c'est l'homme humilié. L'homme qui ne compte pas. Fini le temps des phrases. La vérité, c' est la faim, la servitude, la merde. Comme aux pires époques. On en est pas sorti, elle est jolie leur Europe !‟ 
Leur Europe, 1949.

Texte de Georges Hyvernaud.

Serge Teyssot-Gay le 20/05/2016 à 8h14
SERCE TEYSSOT-GAY

‟Mais la vérité, c'est l'homme humilié. L'homme qui ne compte pas. Fini le temps des phrases. La vérité, c' est la faim, la servitude, la merde. Comme aux pires époques. On en est pas sorti, elle est jolie leur Europe !‟ 
Leur Europe, 1949.

Texte de Georges Hyvernaud.

Serge Teyssot-Gay le 20/05/2016 à 8h14

SOPHIE ADRIANSEN, écrivaine ‟Ça ressemble à un jeu. Me faire toute petite. Loger mon mètre soixante-dix-sept dans une cabine téléphonique au début du pont, rue Lafayette. Faire semblant de dormir sur le pont pour ceux qui habitent dessous.
C’est minuscule, une cabine téléphonique. Et encore, celle-ci n’a pas de porte. Le verre arrête le vent mais pas le bruit. Comment dormir pour de bon au ras du sol, au-dessus des trains, entre les pas et les voitures ? Comment dormir quand n’importe qui peut crier, secouer, frapper ? Je ne m’étais jamais demandé.
Ça ressemble à un jeu parce qu’ensuite je vais me relever, aller boire un deuxième café chaud dans mon appartement à double-vitrage, faire une lessive de mes vêtements. Tout cela je peux, même si je pose là. « Pas de logement = pas de vie » dit le mur juste derrière moi. J’en ai déjà pris la mesure. Personne n’est à l’abri de ne plus en avoir.
On a marché un moment. Les cabines sont de plus en plus rares. On détruit même les solutions de dernier recours. L’objectif du photographe me protège. Il signifie la mise en scène. Rassure le passant. Les couvertures sur lesquelles je m’allonge sont propres.
Mais la mise en scène me fait presque honte. A cause du café chaud, du double-vitrage et de ma machine à laver.
Pour tant d’adultes et tant d’enfants, ça n’est pas un jeu. Ils sont des centaines de milliers à ne pas avoir de domicile personnel, des millions à ne pas avoir de logements décents. Le respect est absent des expulsions. En France. C’est ici que ça se passe. On ne veut plus le voir. En 2015, l’Assemblée nationale a reconnu que les animaux sont des êtres « doués de sensibilité » mais tant d’hommes vivent moins bien que des chiens.
Invisibles aux yeux du monde. Exilés au cœur même de la société.

Il en restera une image. Derrière la vitre sale, le teint vire au cireux. Le teint de ceux qui n’existent plus. Le teint des morts, juste avant l’affaissement définitif des paupières.
Il est plus que jamais utile de faire porte-voix à la question que pose Marc Melki : Et si c’était vous ?‟

Sophie Adriansen le 03/03/2015 à 8h54
SOPHIE ADRIANSEN, écrivaine

‟Ça ressemble à un jeu. Me faire toute petite. Loger mon mètre soixante-dix-sept dans une cabine téléphonique au début du pont, rue Lafayette. Faire semblant de dormir sur le pont pour ceux qui habitent dessous.
C’est minuscule, une cabine téléphonique. Et encore, celle-ci n’a pas de porte. Le verre arrête le vent mais pas le bruit. Comment dormir pour de bon au ras du sol, au-dessus des trains, entre les pas et les voitures ? Comment dormir quand n’importe qui peut crier, secouer, frapper ? Je ne m’étais jamais demandé.
Ça ressemble à un jeu parce qu’ensuite je vais me relever, aller boire un deuxième café chaud dans mon appartement à double-vitrage, faire une lessive de mes vêtements. Tout cela je peux, même si je pose là. « Pas de logement = pas de vie » dit le mur juste derrière moi. J’en ai déjà pris la mesure. Personne n’est à l’abri de ne plus en avoir.
On a marché un moment. Les cabines sont de plus en plus rares. On détruit même les solutions de dernier recours. L’objectif du photographe me protège. Il signifie la mise en scène. Rassure le passant. Les couvertures sur lesquelles je m’allonge sont propres.
Mais la mise en scène me fait presque honte. A cause du café chaud, du double-vitrage et de ma machine à laver.
Pour tant d’adultes et tant d’enfants, ça n’est pas un jeu. Ils sont des centaines de milliers à ne pas avoir de domicile personnel, des millions à ne pas avoir de logements décents. Le respect est absent des expulsions. En France. C’est ici que ça se passe. On ne veut plus le voir. En 2015, l’Assemblée nationale a reconnu que les animaux sont des êtres « doués de sensibilité » mais tant d’hommes vivent moins bien que des chiens.
Invisibles aux yeux du monde. Exilés au cœur même de la société.

Il en restera une image. Derrière la vitre sale, le teint vire au cireux. Le teint de ceux qui n’existent plus. Le teint des morts, juste avant l’affaissement définitif des paupières.
Il est plus que jamais utile de faire porte-voix à la question que pose Marc Melki : Et si c’était vous ?‟

Sophie Adriansen le 03/03/2015 à 8h54

SYLVIE GRACIA, écrivaine ‟Ce matin, Marc Melki a débarqué chez moi avec son carton et ses couvertures, j’avais repéré hier la cabine téléphonique, près de la station Buttes-Chaumont. Il a étendu les cartons, je me suis allongée, et j’ai fermé les yeux. 
Ces yeux fermés, c’est ce qui m’a le plus marqué la première fois que j’ai vu ses photos de familles roms, vivant dans la rue, place de la Bastille. Marc Melki photographiait leurs yeux d’endormis, et c’était à nos yeux fermés qu’il s’adressait, nos yeux accoutumés à la misère parisienne, ces corps couchés par terre, tissus et chairs emmêlés, poussettes-valises, jambes joufflues de bébés jaillissant des couvertures, hommes, femmes, vieillards, enfants. Et dans le fond du décor, la ville qui s’éveille est floue, absente, pendant que des pigeons picorent le goudron, à leurs pieds.
Des centaines de photos, prises en maraude, des matins tôt. Et si c’était toi ? 
Cela ne sera jamais nous, toi et moi. Pas ici, pas maintenant. La question, c’est plutôt celle-là : Et toi, est-ce que tu vois ?‟


Sylvie Gracia 14/09/2014 à 7h40
SYLVIE GRACIA, écrivaine

‟Ce matin, Marc Melki a débarqué chez moi avec son carton et ses couvertures, j’avais repéré hier la cabine téléphonique, près de la station Buttes-Chaumont. Il a étendu les cartons, je me suis allongée, et j’ai fermé les yeux.
Ces yeux fermés, c’est ce qui m’a le plus marqué la première fois que j’ai vu ses photos de familles roms, vivant dans la rue, place de la Bastille. Marc Melki photographiait leurs yeux d’endormis, et c’était à nos yeux fermés qu’il s’adressait, nos yeux accoutumés à la misère parisienne, ces corps couchés par terre, tissus et chairs emmêlés, poussettes-valises, jambes joufflues de bébés jaillissant des couvertures, hommes, femmes, vieillards, enfants. Et dans le fond du décor, la ville qui s’éveille est floue, absente, pendant que des pigeons picorent le goudron, à leurs pieds.
Des centaines de photos, prises en maraude, des matins tôt. Et si c’était toi ?
Cela ne sera jamais nous, toi et moi. Pas ici, pas maintenant. La question, c’est plutôt celle-là : Et toi, est-ce que tu vois ?‟


Sylvie Gracia 14/09/2014 à 7h40

TiERI BRIET, écrivain Avant Oslo, Vasile et Simona ont dormi dans la rue à Paris, à Marseille et Montpellier. Ils ont habité une toute petite caravane déglinguée du côté d’Arles, une cabane de planches et de parpaings dans leur village de Roumanie. Ils ont eu faim souvent, je le sais, et quand Simona mendie, elle ne reçoit pas que des pièces. Il y aussi des insultes, des menaces et des crachats, quand ce ne sont pas des coups de pied ou des PV de la police municipale.
Chaque jour je pense à eux, je sais qu’ils mendient pour survivre et je n’accepte plus le sort qui leur est fait en Europe. Je ne suis pas non plus assez riche pour les sortir du merdier que nos lois et nos élus réservent au peuple des Rroms. Souvent j’enrage. Parfois aussi je pleure, comme ce jeudi où le père de Vasile a été blessé par balles pendant qu’il cherchait dans une poubelle de quoi manger le soir.
Comment demander justice pour Vasile et les siens ? Je ne sais pas, mais ce n’est pas faute d’avoir tout essayé. Par impuissance, par solidarité je dors comme eux dans la rue pour une photo de Marc Melki. Pour la campagne d’Exils Intra Muros.
Parce que je n’accepte plus que mes amis rroms soient montrés du doigt, quand un premier ministre ou un préfet déverse sa haine et sa bêtise sur un peuple de parias déjà à bout de forces. Je n’en peux plus de me battre contre l’indifférence, les ricanements et les idées reçues.
Vasile et Simona sont mes amis les plus chers et leurs enfants sont deux petites merveilles. Je ne peux pas habiter ce continent où des merveilles sont condamnées à dormir dans la rue tout le temps que durera leur enfance.


Tieri Briet le 29/04/2015 à 8h36
TiERI BRIET, écrivain

Avant Oslo, Vasile et Simona ont dormi dans la rue à Paris, à Marseille et Montpellier. Ils ont habité une toute petite caravane déglinguée du côté d’Arles, une cabane de planches et de parpaings dans leur village de Roumanie. Ils ont eu faim souvent, je le sais, et quand Simona mendie, elle ne reçoit pas que des pièces. Il y aussi des insultes, des menaces et des crachats, quand ce ne sont pas des coups de pied ou des PV de la police municipale.
Chaque jour je pense à eux, je sais qu’ils mendient pour survivre et je n’accepte plus le sort qui leur est fait en Europe. Je ne suis pas non plus assez riche pour les sortir du merdier que nos lois et nos élus réservent au peuple des Rroms. Souvent j’enrage. Parfois aussi je pleure, comme ce jeudi où le père de Vasile a été blessé par balles pendant qu’il cherchait dans une poubelle de quoi manger le soir.
Comment demander justice pour Vasile et les siens ? Je ne sais pas, mais ce n’est pas faute d’avoir tout essayé. Par impuissance, par solidarité je dors comme eux dans la rue pour une photo de Marc Melki. Pour la campagne d’Exils Intra Muros.
Parce que je n’accepte plus que mes amis rroms soient montrés du doigt, quand un premier ministre ou un préfet déverse sa haine et sa bêtise sur un peuple de parias déjà à bout de forces. Je n’en peux plus de me battre contre l’indifférence, les ricanements et les idées reçues.
Vasile et Simona sont mes amis les plus chers et leurs enfants sont deux petites merveilles. Je ne peux pas habiter ce continent où des merveilles sont condamnées à dormir dans la rue tout le temps que durera leur enfance.


Tieri Briet le 29/04/2015 à 8h36

Valérie PEUGEOT ‟ Il y a 25 ans avec quelques amis nous avions créé le magazine La Rue, parce que nous ne comprenions pas qu’à la fin du 20ème siècle, dans un pays riche, on doive encore se contenter du bitume pour lit et du ciel pour abri. 25 ans plus tard, les rues sont toujours aussi habitées la nuit, si ce n’est plus. A ceux que la vie n’a pas épargnés viennent se mêler ceux que la misère ou les guerres ont chassés sur les routes. Mon sentiment d’impuissance n’a fait que grandir. Cette photo n’y changera rien, mais elle vient dire modestement que mon indignation est entière. Une indignation que je voudrais partager avec ceux dont le regard s’arrêtera même fugacement sur les photos de Mark Melki. Comme un anti-poison à l’indifférence et au repli sur l’entre-soi.‟

Valérie Peugeot le 17/05/2016 à 8h39
Valérie PEUGEOT

‟ Il y a 25 ans avec quelques amis nous avions créé le magazine La Rue, parce que nous ne comprenions pas qu’à la fin du 20ème siècle, dans un pays riche, on doive encore se contenter du bitume pour lit et du ciel pour abri. 25 ans plus tard, les rues sont toujours aussi habitées la nuit, si ce n’est plus. A ceux que la vie n’a pas épargnés viennent se mêler ceux que la misère ou les guerres ont chassés sur les routes. Mon sentiment d’impuissance n’a fait que grandir. Cette photo n’y changera rien, mais elle vient dire modestement que mon indignation est entière. Une indignation que je voudrais partager avec ceux dont le regard s’arrêtera même fugacement sur les photos de Mark Melki. Comme un anti-poison à l’indifférence et au repli sur l’entre-soi.‟

Valérie Peugeot le 17/05/2016 à 8h39

VALÉRIE RODRIGUE, écrivaine ‟Dormir dehors, c'est avoir froid, avoir mal, avoir honte, quand la honte devrait être de l'autre coté, chez ceux qui passent, regardent, jugent et ne font rien.‟

Valérie Rodrigue à Montrouge à Paris le 10/03/2016 à 9h49.
VALÉRIE RODRIGUE, écrivaine

‟Dormir dehors, c'est avoir froid, avoir mal, avoir honte, quand la honte devrait être de l'autre coté, chez ceux qui passent, regardent, jugent et ne font rien.‟

Valérie Rodrigue à Montrouge à Paris le 10/03/2016 à 9h49.




Yan Morvan, photographe Le nouveau “ mobilier urbain” qui est apparu dans les rues de nos grandes villes, comprenez les personnes “ sans abri”, a une utilité fondamentale dans le nouveau paradigme de société qui est en train de se dessiner - la société immatérielle réorganisée par des automates et le travail à la carte. 
Cette fonction, la précarité et son avant-garde ; Les déracinés errant sans but dans nos rues distillant la peur est la mise en garde aux prolétaires et aux exclus de la rente ( financière, médiatique, “artistique” ou politique) de prendre garde à toute expression de révolte et de remise en cause du sacro-saint credo de la consommation ( plus soft que le gibet du moyen-âge). 
Leur exposition est donc vitale aux yeux de ceux qui nous gouvernent pour nous rappeler combien notre existence dépend d’eux et on peut penser dire ou du moins désespérer de dire : “Et maintenant c’est moi “.

Yan Morvan à Paris, le 30/01/2017 à 10h17
Yan Morvan, photographe

Le nouveau “ mobilier urbain” qui est apparu dans les rues de nos grandes villes, comprenez les personnes “ sans abri”, a une utilité fondamentale dans le nouveau paradigme de société qui est en train de se dessiner - la société immatérielle réorganisée par des automates et le travail à la carte.
Cette fonction, la précarité et son avant-garde ; Les déracinés errant sans but dans nos rues distillant la peur est la mise en garde aux prolétaires et aux exclus de la rente ( financière, médiatique, “artistique” ou politique) de prendre garde à toute expression de révolte et de remise en cause du sacro-saint credo de la consommation ( plus soft que le gibet du moyen-âge).
Leur exposition est donc vitale aux yeux de ceux qui nous gouvernent pour nous rappeler combien notre existence dépend d’eux et on peut penser dire ou du moins désespérer de dire : “Et maintenant c’est moi “.

Yan Morvan à Paris, le 30/01/2017 à 10h17


WALLACE ETYOUMI, chanteurs 
8 h du mat Youmi et moi on a rencard avec Marc Melki, il fait un travail photographique merveilleux sur les Rrom's qui vivent dans des cabines téléphoniques ou des abris bus de la capitale .
Il nous a demandé de nous mettre dans la peau d'un Rrom's de cabine ou d'abris bus .
Marc , il est comme nous , outré non subventionné et livre son combat tout seul avec ses moyens du bord , il nous touche , n'a rien à vendre et loue son énergie à titre gratuit dans l'urgence ...
Il faut les aider , à survivre , aller à l'école , s'y maintenir .
Aujourd'hui plus qu'hier parce que voici poindre l'hiver ...

Wallace Etyoumi à Paris le 24 octobre 2014, 8h.
WALLACE ETYOUMI, chanteurs


8 h du mat Youmi et moi on a rencard avec Marc Melki, il fait un travail photographique merveilleux sur les Rrom's qui vivent dans des cabines téléphoniques ou des abris bus de la capitale .
Il nous a demandé de nous mettre dans la peau d'un Rrom's de cabine ou d'abris bus .
Marc , il est comme nous , outré non subventionné et livre son combat tout seul avec ses moyens du bord , il nous touche , n'a rien à vendre et loue son énergie à titre gratuit dans l'urgence ...
Il faut les aider , à survivre , aller à l'école , s'y maintenir .
Aujourd'hui plus qu'hier parce que voici poindre l'hiver ...

Wallace Etyoumi à Paris le 24 octobre 2014, 8h.

CALI, chanteur « C’est une mise en scène.
Je suis allongé sur des cartons, enveloppé dans des couvertures de fortune, dans cet espace auto-lib dont le propriétaire a pris soin d’enlever les parois de verre, qui auraient pu me protéger du vent glacial.
Il fait très froid à Paris ce matin, comme depuis le début de l’hiver et, j’imagine, jusqu’au printemps.
Sous la direction de Marc le photographe, je ferme les yeux, comme endormi. Et si c’était moi?
Il shoote mon corps étendu comme un sac de désespoir à même le sol.
Quand on est couché par terre, la musique des pas qui passent et résonnent sur le trottoir juste au-dessus de la tête est étrange. Fascinante. Inquiétante. Des pas d’enfants? De vieux? De mamans? D’amoureux? … Elle ne s’arrête jamais. Personne ne s’arrête jamais.»

Cali à Paris le 25/01/2017 à 12h35
CALI, chanteur

« C’est une mise en scène.
Je suis allongé sur des cartons, enveloppé dans des couvertures de fortune, dans cet espace auto-lib dont le propriétaire a pris soin d’enlever les parois de verre, qui auraient pu me protéger du vent glacial.
Il fait très froid à Paris ce matin, comme depuis le début de l’hiver et, j’imagine, jusqu’au printemps.
Sous la direction de Marc le photographe, je ferme les yeux, comme endormi. Et si c’était moi?
Il shoote mon corps étendu comme un sac de désespoir à même le sol.
Quand on est couché par terre, la musique des pas qui passent et résonnent sur le trottoir juste au-dessus de la tête est étrange. Fascinante. Inquiétante. Des pas d’enfants? De vieux? De mamans? D’amoureux? … Elle ne s’arrête jamais. Personne ne s’arrête jamais.»

Cali à Paris le 25/01/2017 à 12h35